Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 25 mai 2009

Gogol le libre orthodoxe et la transfiguration du monde

Gogol le libre orthodoxe et la transfiguration du monde

Notes à propos de Nicolas Vassiliévitch (1809-1852) et de son bicentenaire.

090518"Tâchez de voir en moi le chrétien plutôt que le littérateur".
Lettre de Gogol à sa mère en 1844.

"Prie pour que mon labeur soit véritablement consciencieux pour je sois jugé digne de chanter un hymne à la Beauté céleste"
Lettre à son ami Joukovski, 1852

Nul mieux que le grand slavisant Pierre Pascal (1) n'a cerné de manière aussi aiguë ce qu'il appelle le "Drame spirituel de Nicolas Gogol". En 1952 il intitulait de la sorte une magnifique introduction à la traduction française des Méditations sur Divine liturgie (2). Il y soulignait l'incompréhension de la majorité des compatriotes et contemporains. Car, écrit-il : "les intellectuels russes de 1850 étaient encore trop les enfants du siècle des lumières pour voir dans les exigences religieuses de Gogol autre chose qu'une maladie mentale et dans sa fin un drame de la folie".

Dès sa dernière "Nouvelle Pétersbourgeoise" intitulée "Le Manteau", commencée à Vienne en 1841 Gogol préfigure, par la pauvre destinée d'Akaki Akakiévitch, la sienne propre : "Laissez-moi ! Pourquoi me faites-vous mal !... dès lors, tout fut changé pour lui... une force surnaturelle l'écarta des camarades... qu'il avait pris d'abord pour des gens convenables..."

Irrésistiblement aussi, on songe au serviteur souffrant. On se remémore également Celui qui est venu parmi les siens et que les siens n'ont pas reçu.

Une part essentielle d'un des plus grands écrivains russes reste aujourd'hui encore méconnue

Dans sa patrie même, on recommence à s'intéresser à lui, non pas seulement comme auteur des textes charmants ou satiriques, qui lui ont valu son immense renommée depuis les années 1830, mais aussi comme croyant.

Le site internet en langue française "Parlons orthodoxie" (3) indiquait à cet égard début avril que  : "le hiéromoine Syméon Tomatchinski, directeur des éditions du monastère Sretensky à Moscou, est convaincu que l'œuvre de Nicolas Gogol renferme un grand potentiel missionnaire : elle aide l'homme contemporain à comprendre le sens des sacrements de l'Église. Il faut davantage éditer et faire connaître les œuvres de Gogol, considère le père Syméon, persuadé que Gogol est l'écrivain le plus religieux de la littérature russe, non seulement par sa vision des choses, mais aussi par son mode de vie. Parmi les œuvres spirituelles de Gogol, il accorde la place la plus importante aux Méditations sur la divine liturgie, "oubliées" pendant l'époque soviétique."(4)

Sur la tombe de l'écrivain, au cimetière du monastère Novodevitchi de Moscou après une pannykhide donnée pour le 200e anniversaire de la naissance de l'écrivain, le métropolite Juvénal, évêque de la région de Moscou soulignait pour sa part son "désir ardent de partager sa foi avec le monde, de lui transmettre sa vision de l'aspect mystique de notre existence. Il semble qu'il n'ait jamais été entendu (…). La portée véritable de sa quête spirituelle n'a pas encore été complètement comprise".

En Russie, en Ukraine et un peu partout dans le monde orthodoxe slave, nous viennent donc beaucoup  d'éloges à son propos. Mais voici ce qu'on peut trouver dans le Wikipedia francophone au sujet d'une de ses œuvres spirituelles les plus importantes, les Passages choisis d'une correspondance avec des amis témoignage, dans la patrie de Descartes, de l'incompréhension qui demeure quand on lit ceci :

Cet ouvrage est présenté comme une suite de lettres écrites entre 1843 et 1846. Celles-ci touchent à des thèmes extrêmement variés : la littérature (Les Âmes mortes et leur véritable signification, en particulier), l'éducation des serfs par les propriétaires fonciers, les obligations des épouses de gouverneurs etc. Leur contenu est ultra-conservateur, voire obscurantiste. Elles ont le ton du prêche.
Aujourd'hui, les Passages choisis sont surtout un document essentiel pour comprendre le drame de Gogol : dépression, perte d'inspiration et dérive mystique. Depuis 1843, celui-ci n'avait plus rien publié. Voyageant frénétiquement à travers l'Europe de l'ouest, il emportait dans son bagage le manuscrit de la suite des Âmes mortes, son chef-d'œuvre, dont ses nombreux admirateurs attendaient impatiemment la finition. L'écriture, cependant, n'avançait pas. Gogol, déprimé et hypocondriaque, chercha secours dans la religion. C'est ainsi qu'il s'orienta vers un ultra-conservatisme moral et politique (adhésion fanatique à l'orthodoxie et à l'autocratie).
Les Passages choisis déclenchèrent un véritable "scandale Gogol" en Russie.(…)
Tout ceci surprit et bouleversa Gogol, qui croyait sincèrement à sa renaissance artistique. Il ne publia plus rien jusqu'à sa mort, en 1852.

Revenons à la réalité des écrits de Nicolas Vassiliévitch Gogol

Quand on souhaite évoquer l'œuvre ou la pensée d'un écrivain une première remarque s'impose. On se situe soi-même et on inscrit son auditoire dans un certain contexte, celui de la langue de ses interlocuteurs ou de ses lecteurs. Ignorant le russe, je n'accède à cette littérature, que j'aime et qui touche aux choses qui, en définitive, me préoccupent avant tout, qu'au gré de ses traductions françaises.

Dans la pratique on constatera, hélas, que la deuxième partie de ses œuvres complètes, exprimant sa pensée profonde ne reste guère disponible aujourd'hui, pour le lecteur francophone, que dans l'excellente mais coûteuse édition de la Pléiade de 1966.

On peut, et on doit, véritablement distinguer, sans les opposer, deux parties chronologiques dans les écrits de Gogol.

Or, la première, la plus connue, et surtout la plus reconnue, largement profane est abordée le plus souvent par bribes. On ne cherche à y voir aucune continuité, et surtout aucune idéologie. L'auteur de ces lignes peut en attester : entre la découverte émerveillée de "Taras Boulba" (1835), le premier "vrai" livre que quelqu'un lui ait offert, et la lecture des "Nouvelles Pétersbourgeoises" (1843), il s'est écoulé pour moi un bon demi-siècle.

Ces créations délicieuses et heureuses appartiennent au royaume des lettres. Elles semblent, à première vue, échapper à tout classement. Les étiquetages qu'un certain public de faux-lettrés a pu accoler à certains textes, les décrivant comme les plus contestataires, ainsi le "Revizor" (1836) ou, plus encore, les "Âmes mortes" (1842), relèvent surtout du malentendu. Et dès le début notre auteur a tenu à s'en excuser.

Pour comprendre "le Grand Dessein de Gogol"

Tout cela nous amène à évoquer la deuxième partie de son œuvre, celle qui sera qualifiée de "Grand Dessein de Gogol", et qui s'inscrit dans une démarche explicite d'apologie de la Foi orthodoxe.

Né en 1809, l'auteur dont on fête, hélas assez modestement le bicentenaire, est âgé de 36 ans quand il annonce publiquement en 1845 son "retour à la religion".

Que faut-il entendre par "retour à la religion" ?

Ce mot, cet événement et cette démarche appellent à leur tour des éclaircissements. Essayons de ne pas trop nous encombrer de pédantisme ou d'étymologie pour évoquer le fait que dès les auteurs latins, dont la langue française est issue, le terme religio peut s'interpréter dans des sens bien différents. Chez Cicéron, il signifie "le respect que ressent l'individu au plus profond de lui devant tout être qui en est digne, divin en particulier". Pour toute une lignée d'auteurs chrétiens estimables, comme Tertullien, Lactance et jusqu'à Chateaubriand ce fait est supposé "religere", relier, réunir les hommes.

Or tout cela s'inscrit dans une tradition latine et catholique. Et on ne peut ignorer que celle-ci diffère de la pensée orthodoxe, tributaire elle-même de la transposition en langue grecque d'idées hébraïques.

Pour l'orthodoxie chrétienne, le mot "religion" doit être considéré comme ambigu, pour ne pas dire : trompeur. À proprement parler le christianisme ne relève pas du "phénomène religieux".

Il existe plusieurs concepts, fort différents :
- la "foi", adhésion volontaire et individuelle. La phrase récurrente de Jésus consiste à dire aux miraculés "ta foi t'a sauvé" ;
-et le "culte", dont les ministres forment le clergé et ne constituent aucunement à eux seuls "l'Église" ;
- à distinguer lui-même des "œuvres".

Ceci lève la fameuse ambiguïté sur laquelle a buté le "sola fide" de Luther. L'interprétation protestante traditionnelle devient, dans son expression extrême, irrecevable pour un orthodoxe en raison même de l'argument développé dans l'épître de Jacques. Que signifierait, en effet, la "foi sans les œuvres" ? La réponse néo-testamentaire fuse alors comme une évidence : "la foi sans les œuvres est une foi morte" (Jacques 2, 17).

La dérive symétrique, celle d'un certain "activisme occidental", a été chantée par l'excellent philosophe [catholique] Philippe Nemo dans son petit livre "Qu'est-ce que l'occident ?"(5). L'auteur y développe l'éloge de ce qu'il appelle la "révolution papale du XIIe siècle". Ainsi nomme-t-il la "réforme de Grégoire VII" après sa victoire sur Henri IV de Hohenstaufen (1077). Cette lutte de la Papauté contre l'Empire occidental se prolonge jusqu'à la mort de Frédéric II (1250). Pour faire court, et résumer honnêtement le propos, "il ne suffit pas de prier il faut transformer le monde". Tout lecteur de l'Évangile (Mt 4,1-11 ; Mc 1, 12-13 ; Lc 4,1-13) reconnaît les trois tentations du Christ, et particulièrement la première : "transformer les pierres en pain", objectif économique qui guette toutes les tentatives de "doctrines sociales".

Sans aucune ambiguïté, cette formulation "occidentaliste" se veut commune au catholicisme et au protestantisme. (6)

Et elle s'affirme également éloignée de l'orthodoxie.

Elle reprochera donc à cette dernière son "essence conservatrice". Philippe Nemo ne s'abstient pas de le faire explicitement dans son livre : il s'agit de prétendre que l'orient chrétien cantonne la "religion" à la prière. Pour enfoncer le clou, le même brillant apologiste croit bon d'interpréter dans ce sens, à notre avis biaisé, la fameuse Légende du Grand Inquisiteur. Ce passage essentiel des "Frères Karamazov" marquerait de la sorte, et entacherait du sceau de l'obscurantisme "oriental", la foi de Dostoïevski.

On va voir que nous en arrivons là, très précisément, à l'occultation de sa pensée qui sera infligée à Gogol.

Son cercle d'amis et son influence

Globalement incompris, dans les dix dernières années de sa vie, il fit cependant quelques adeptes, et non des moindres.

En 1843-1844 il séjourne à Nice et réunit un petit nombre d'amis. Au nombre de ceux-ci il convient de citer la comtesse Vielgorski et ses deux filles, la comtesse Sophie Solloghoub et Anna Mikhaïlovna "la seule femme dont Gogol ait été amoureux" (7). Ce groupe compte aussi Mme Smirnova, sa protectrice qui est aussi la dame d'honneur de l'Impératrice ainsi que les deux poètes Yazhykhov et Joukovsky.

Plus tard, il n'hésitera pas à donner à ses amis des conseils spirituels. On ne les trouvera pas anodins dans le contexte de sa conception discrète et personnelle de l'orthodoxie : "prends aussi cette habitude : chaque samedi fais célébrer chez toi la vigile nocturne".

Beaucoup plus tard, en 1888 Tolstoï publiera, sous pseudonyme, une brochure "N.V. Gogol comme maître de vie".

Pierre Pascal s'interroge à ce sujet, dans les termes suivants : "Pourquoi Tolstoï, négateur de l'Église et de l'État a-t-il tant aimé Gogol orthodoxe et conservateur ? N'est-ce pas qu'il reconnaissait en lui un premier interprète de sa pensée la plus profonde : pénétrer de christianisme la vie intellectuelle et sociale toute entière ?"

Ce n'est qu'en 1850 qu'il fait un pèlerinage à l'ermitage d'Optina où il s'entretiendra avec le starets Macaire.

Sa vision du salut de la société

Il commence à la développer dans les "Passages choisis" de la correspondance avec ses amis.

"Ma cause, écrit-il pour les présenter, est celle de la vérité et du bien public". Ses textes sont qualifiés, par leur auteur de "nécessaires et utiles". Ils "apportent le salut" et répondent à une situation de la Russie qu'il affirme "malade". Or le pays ne sortira de cette maladie que si :

"à la place qui lui a été assignée par Dieu, chaque Russe, tsar, haut fonctionnaire, propriétaire foncier, serf, artiste, écrivain, femme du monde, femme de gouverneur, etc. se décide à servir"…

Dans un autre texte ("Confession d'un auteur) il posera ce choix comme la découverte du véritable sens de l'existence humaine : "Notre vie tout entière est service". Cette notion, d'ailleurs, remonte aux racines mêmes de son œuvre. Dès 1829 son désir un peu naïf d'être un grand homme, il le définit "pour le bien de sa patrie et le bonheur de ses semblables".

On peut devenir meilleur en suivant les enseignements de l'Église et l'on peut contribuer à rendre les autres meilleurs en exerçant une bonne influence. Tout cela suppose de "faire entrer le Christ dans les moindres actions de sa vie".

On doit noter que Gogol refuse très explicitement, ou pour parler de manière plus exacte, il se désintéresse absolument de l'idée de changer la moindre institution, y compris le servage. Nous serions tenté de résumer de la sorte la vision sociale de Gogol en la définissant du point de vue orthodoxe : Le christianisme ne vise pas la transformation du monde par la loi, mais à sa transfiguration par la foi.

L'exemple de la cruelle institution du servage qu'Alexandre II abolira en 1861…

Le point ne peut pas être pudiquement mis de côté puisqu'il s'agit du sujet même des "Âmes mortes".

Évoquons donc ici quelques données à propos de cette forme sociale. On la considère aujourd'hui, peut-être à juste titre comme la marque, la plus odieuse, d'une injustice toute médiévale et de l'obscurantisme. Elle se distingue radicalement de l'esclavage, en ce sens que le serf y dispose d'un statut social de personne humaine. Le système était apparu dans l'occident médiéval et a évolué au gré des siècles et des pays. En Angleterre, il fut aboli dès XVIe siècle, mais en Écosse seulement au XVIIIe. En France, il avait pratiquement disparu à la veille de 1789.

Dans le royaume de Pologne et le grand-duché de Lituanie, le statut des "serfs-paysans" s'était dégradé au cours des âges. Sur les domaines seigneuriaux, le nombre de jours de servage est passé, on n'arrête pas le progrès : de quelques jours dans l'année XIIIe siècle, à 1 jour par semaine au XIVe siècle, 4 jours par semaine au XVIIe siècle et de 6 au XVIIIe. Et comme le septième jour était consacré au repos, le "serf-paysan" polonais ne pouvait plus cultiver son lopin personnel.

En Russie, au contraire, le servage n'a été généralisé que sous l'effet de l'occidentalisation, à partir du XVIIe siècle. Il sera largement aggravé au temps des "Lumières". Le 19 février 1861 l'abolition de ce "contrat" par le tsar Alexandre II libère de manière radicale 40 % de la population.

Dans la perspective chrétienne qui est la sienne on ne peut évidemment pas dire, de Nicolas Vassiliévitch Gogol, qu'il "défend" le servage. Son livre "les Âmes mortes" est généralement considéré comme la plus admirable dénonciation de cette sinistre institution : mais il s'écarte de toute apologie de la révolte.

Sommes-nous autorisés à dire ici que l'Histoire lui donna raison : moins de 20 ans après son livre, par la volonté d'un monarque libérateur, que les révolutionnaires assassineront, le système disparaît. En revanche après 1921, et la victoire des Rouges, des "justes révoltés", pendant la guerre civile, la condition des travailleurs de la glorieuse Union Soviétique évoluera rapidement vers une forme d'esclavage que l'ancienne Russie n'avait jamais connue, et qui ne disparaîtra qu'après 70 ans de souffrance et d'oppression.

La question de la censure administrative

Vers 1847 il se trouve confronté à la fois au problème de la censure et à son éreintement propre par la presse, de même qu'aux reproches véhéments de certains membres du clergé. Il mobilise un petit comité de lecture de 5 personnes.

Il prend pour modèle Karamzine (1766-1826) précurseur du mouvement slavophile. En 1811, celui-ci avait publié une "Note sur l'ancienne et la nouvelle Russie". L'auteur se verra attaqué comme glorifiant l'autocratie. Mais il subit en fait la censure parce qu'il critique les anciens empereurs modernistes. Le même publiera en 1818 un pamphlet intitulé "L'opinion d'un citoyen russe" où il critique l'autonomie accordée à la Pologne.

Voici ce qu'écrit Gogol à ce sujet : "Karamzine a été le premier à nous montrer qu'un écrivain peut chez nous être honoré et indépendant à l'égal du plus titré des citoyens. Le premier, il a proclamé solennellement que la censure ne saurait gêner un écrivain et que si, l'écrivain est animé du plus pur désir de faire le bien, au point que ce désir, s'emparant de toute son âme, devienne sa chair et sa nourriture, alors aucune censure ne lui est sévère et il est à l’aise partout. Karamzine a dit cela et il l'a prouvé." (8)

"Comme ils sont ridicules après cela, ceux d'entre nous qui prétendent qu'en Russie il est impossible de dire la vérité pleine et entière et qu'elle ne peut que blesser ! (...) Allons donc !", conclut-il. "Ayez une âme aussi pure aussi bien ordonnée que Karamzine, et alors proclamez votre vérité !" (9)

Ceci entraînera à son encontre les foudres du pire inquisiteur des lettres russes, censeur politiquement correct, plus dur encore que son homologue administrative de l'époque, précurseur lui-même du réalisme socialiste, le pense-petit Bielinski qui ose écrire : "les hymnes aux puissances du jour arrangent parfaitement la situation terrestre du pieux auteur".

Certains textes ne pourront paraître qu'après sa mort en 1857 : "Confession d'un auteur" et son travail par les archives de l'Académie de Kiev, que Gogol a recopié des extraits de 17 Pères de l'Église et de 10 théologiens russes des XVIIe et XVIIIe siècles. Il se faisait traduire du grec en latin notamment saint Jean Chrysostome et saint Basile le Grand.

Slavophiles contre occidentalistes

Comme toujours on doit se méfier des classifications réductrices. Dans sa Lettre XI "Controverses" on pourrait même penser de notre auteur qu'il entend se tenir à égale distance des "deux camps" slavophiles et occidentalistes qui apparaissent vers 1839-1840. Les occidentalistes ("rapadnicki") Herzen, Botkine, Bielinski attendaient, au départ, des principes politiques de l'occident la transformation du régime absolutiste. Les "slavophiles" proprement dits sont représentés par IP Kirievski (1806-1856) et Khomiakov (1804-1860). Leur pensée consiste à dénoncer d'abord deux grands maux de la Russie : les réformes de Pierre le Grand, et l'asservissement de l'Église russe à l'État.

En 1844-1845 on assiste à la rupture totale entre les deux milieux. Et c'est à ce moment que, par ailleurs, se situe la conversion, le retour à la foi de Gogol. On verra qu'à tous égards ou presque ses idées rejoignent celles des slavophiles. On remarquera que lui-même utilise des mots différents comme "vostokchnicki" opposé à "zapadnicki". Vostok c'est l'orient "slavianofily" finira par s'imposer un peu plus tard.

Sa conversion

En 1842, Gogol quitte à nouveau la Russie. Il entend alors écrire la deuxième partie de ses "Âmes mortes", aujourd'hui encore célébrissimes quoique largement incomprises et qu'on a si longtemps présenté comme une sorte de pamphlet social. Ses biographes honnêtes considèrent que cet événement essentiel de son cheminement va lui donner ce que la prière liturgique orthodoxe nous apprend à demander au Seigneur : une fin de vie chrétienne.

À partir de 1843, il se veut avant tout chrétien. Il "a pris", dès lors, note Pierre Pascal, "la religion au sérieux".

En 1838 au cours de sa première découverte de l'Italie qui ne constitue alors, a-t-on dit, qu'une expression géographique, il note déjà : "À Rome seulement, on prie, ailleurs on fait seulement semblant". C'est aussi dans la Ville Éternelle que semble se situer une conversion, probablement amorcée aussi par un épisode de 1839, où meurt dans ses bras son ami Joseph Wielgorski, alors que lui-même souffre de maladie et pourra écrire "je sens déjà l'odeur de la tombe".

On ne saurait contester que, redécouvrant la religion à Rome, il ait été attiré par le catholicisme. Quoiqu'il s'en défende, il écrira néanmoins qu'il juge les "religions catholiques et orthodoxes également vraies".

Son chemin mystique se précisera et se développera plus tard, avec les années. En 1844 il découvre la Philocalie. Par la suite il rencontrera les représentants de cette spiritualité cette spiritualité hésychaste sans la connaissance de laquelle on ne peut rien comprendre véritablement à la spécificité du monde orthodoxe.

Si critiquée ait-elle été, sa correspondance, éclaire donc bel et bien la précision de sa pensée, son grand dessein.

Voilà encore ce qu'il écrit :

"Personne ne sera sauvé s'il n'aime Dieu, et cet amour n'existe pas chez nous. Ce n'est pas dans un couvent que vous le trouverez, n'y vont que ceux que Dieu lui-même a appelés".
(…) "Mais comment aimer ses frères, comment aimer les hommes, l'âme ne veut aimer que le beau et les pauvres hommes sont si imparfaits, il y a en eux si peu de beau ! Comment donc y arriver ? Remerciez Dieu avant tout d'être Russe."
(10)

Cela met évidemment en perspective toutes les considérations douloureuses qu'il a pu rencontrer ou formuler lui-même, celles que les âmes pures, en tout temps ou en tout lieu, sont tentées de ruminer, sur l'état de la patrie.

Et enfin cet esprit en marche nous lègue ce viatique :

"Pour un chrétien les études ne sont jamais terminées ; le chrétien est un élève perpétuel, jusqu'à la tombe". (11)

Apostilles

  1. né en 1890 et mort en 1983 ce grand défenseur de la culture russe n'aura jamais connue la fin de l'Union soviétique.
  2. 118 pages, Bruges-Paris 1952, éditions Desclée De Brouwer.
  3. créé par le diocèse français du patriarcat de Moscou
  4. Après vérification, nous pensons cependant que le P. Syméon se trompe quand il écrit : "Pour écrire ces Méditations, Gogol avait même appris la langue grecque." Au contraire il s'était fait traduire les textes des Pères grecs en latin.
  5. publié en 2004 au PUF et qui a rencontré un succès certain puisque réédité en 2005
  6. et ceci contrairement à la fameuse thèse de Max Weber
  7. au témoignage du beau-frère de celle-ci, le comte Sollogoub cf. Œuvres complètes Pléiade page 1867/note de la page 1390
  8. cf. Œuvres complètes Pléiade Lettre XIII p. 1552
  9. ibid. page 1553
  10. cf. Œuvres complètes Pléiade Lettres XIX et XX "il faut aimer la Russie" page 1591 et "il faut voyager à travers la Russie".
  11. cf. Œuvres complètes Pléiade Lettre XII "Le chrétien progresse" p. 1549.

JG Malliarakis

 

mercredi, 13 mai 2009

Gebet für Russland - Zwei Bücher von Alexander Solchenizyn

soljenitsyne_247.jpg

Gebet für Rußland

Zwei Bücher von Alexander Solschenizyn

Alexander Solschenizyns: Zwischen zwei Mühlsteinen. Mein Leben im Exil. Herbig 2005.
Alexander Solschenizyn: Was geschieht mit der Seele während der Nacht? (Prosaminiaturen) Herbig 2006.
Ein Aufsatz von Martin Möller
Ex: http://www.monarchieliga.de/

Vorbemerkung: Diese Rezension schrieb ich für die Zeitung „Neue Ordnung“ des Leopold Stocker Verlags. Inhalt und Konzeption des Aufsatzes waren mit dem Verlagsleiter Mag. Stocker abgesprochen. Trotzdem weigerte sich Stocker den Aufsatz zu bringen, weil ich die „düsteren und kriminelle Aspekte“ der Demokratie benannte und weil ich zu Recht feststellte, daß Rußland durch die „Demokratisierung“ vom Regen in die Traufe geraten ist.


Bei Herbig sind zwei Bücher von Alexander Solschenizyn erschienen, „Zwischen zwei Mühlsteinen“, das in faszinierender und packender Weise die 30 Jahre eines Exils schildert, das Solschenizyn bekanntlich via Köln und Zürich nach Vermont, Usa führte, und das Bändchen „Was geschieht mit der Seele während der Nacht?“ mit Prosaminiaturen aus vierzig Jahren schriftstellerischen Schaffens.

Aus dem us-amerikanischen Exil kehrte Solschenizyn bekanntlich vor 12 Jahren nach Rußland zurück. Im Exil hatte er niemals die Verbindung zur russischen Heimat aufgegeben und stets an seinem Glauben an eine Wiedergeburt Rußlands festgehalten. Für diesen Glauben hatte er in Kauf genommen, im Westen als Reaktionär und im Osten als antikommunistischer Staatsfeind diffamiert zu werden. An der Zusammenarbeit von Ost und West, die sich oft genug in gemeinsamer Desinformation manifestierte, zerbrach Solschenizyn nicht, wie viele andere, die die Allianz von Kommunismus und Demokratie nicht verstehen konnten und sich in die Isolierung flüchteten.

In der Schweiz galt Solschenizyn im Gegensatz zu Millionen Asylanten als lästiger Ausländer und wurde von der Fremdenpolizei als politischer Agitator behelligt. Ironischer Weise geschah das, als Solschenizyn in den Schweizer Archiven erforschte, daß der Massenmörder Lenin während seines Schweizer „Asyls“ völlig unbehelligt seinen Vorbereitungen zum Umsturz der christlichen Ordnung nachgehen konnte. Im September 1915 hatten sich die europäischen Kommunisten bekanntlich in Zimmerwald im Kanton Bern getroffen, um die Durchsetzung des Bolschewismus, die Zerstörung der europäischen Staaten und die Beseitigung des Rechts zu bewerkstelligen. Diesen Prozeß förderte die Schweiz bis hin zum termingerechten Einschleusen Lenins in das wankende Rußland. Wäre Lenin 1916 und 1917 von der Schweiz so behandelt worden, wie Solschenizyn 1976 und 1977, dann hätte es wohl keine bolschewistische Revolution gegeben. Solschenizyn bedankte sich trotzdem höflich bei den Schweizern, hatte er hier doch die Lenin betreffenden Kapitel für das Rote Rad fertigstellen können, Kapitel, die auch als eigenständiges Buch Lenin in Zürich erschienen sind. Die weiteren Teile des Roten Rades schuf Solschenizyn dann in den Usa, weil er sich nur hier vor den Nachstellungen des KGB sicher fühlte. Von der Öffentlichkeit ließ sich Solschenizyn in seinem Exil sorgfältig abschirmen, da er sein Leben einzig dem schriftstellerischen Werk widmen wollte.

Bereits als Sowjetbürger hatte Solschenizyn die westliche Entspannungspolitik und die westliche Interpretation des Kommunismus kennengelernt. Dies geht auch aus einigen seiner vor 1975 erschienenen Schriften hervor. Was er dann im Westen und namentlich in den Usa der Präsidenten Ford und Carter erlebte, schockierte ihn jedoch und erfüllte ihn mit tiefer Besorgnis vor einem Endsieg des Kommunismus. Diese Sorge wurde noch verstärkt durch die Tatsache, daß der deutschjüdische Außenminister Kissinger die amerikanischen Rundfunkstationen anwies, keine Reden oder Kommentare Solschenizyns ins Ausland zu übertragen und daß zumindest bis zum Ende der Entspannungsära mit dem Amtsantritt Präsident Reagans im Jahre 1981 die Usa darum bemüht war, nicht etwa den Kommunismus, sondern das „Problem Solschenizyn“ einzudämmen.

Die Sorge vor einem weltweiten Erstarken des Kommunismus bewegte Solschenizyn dazu, den Essay „Warnung! Die tödliche Gefahr des Kommunismus“ zu verfassen, der 1980 in der Abenddämmerung der gescheiterten Entspannungspolitik erschien. Solschenizyn warf in dem Essay dem Westen zu Recht vor, daß er den Kommunismus von Anfang an unterstützt habe, obwohl sich 1917 das ganze russische Volk gegen den Kommunismus gestellt hatte. Diese Unterstützung des Westens wurde noch verstärkt, je mehr sich der Kommunismus in millionenfache Massenmorde und Verbrechen verstrickte, und kulminierte im 2. Weltkrieg, als der Westen ganze Völker und halbe Kontinente dem Sowjetkommunismus auslieferte. Der Westen gewann immer dann, wenn er sich zur Abwehr des Kommunismus entschloß, sei es bei der Blockade Berlins, sei es beim Koreakrieg. Anschließend fiel er leider wieder in den Anpassungskurs zurück, der dem Kommunismus Boden verschaffte. Bei der Interpretation des Kommunismus liebte der Westen die Oberflächlichkeit. Die Aggressivität des Kommunismus wurde im Westen mit Angst vor Angriff, Einkreisung und ähnlichem beschönigt. Und obwohl der Kommunismus weltweit wütete, sprach man von asiatischem Charakter des Sowjetsystems oder vom notorischen Russentums. Solschenizyns Analyse sah anders aus: Der Kommunismus ist ein destruktives, zerstörerisches soziales Krebsgeschwür, das nur besiegt werden kann, wenn es völlig vernichtet wird. Entspannungspolitik ist so sinnlos wie das Verharren eines Krebskranken in blinder Hoffnung auf Heilung. Solschenizyn weiß wovon er spricht, hat er doch in den 50er Jahren eine Krebserkrankung überwunden. Dem Roman „Krebsstation“ liegt der Heilungsprozeß zugrunde. In der Entspannungspolitik sieht Solschenizyn den „dritten Verrat des Westens“ - nach 1918 und 1945.

Solschenizyn belegt die furchtbare Zerstörung, die der Kommunismus am russischen Volk angerichtet hat. Er zeigt auf, wie das Russentum kurz vor der biologischen Vernichtung steht und er weist immer wieder hin auf die Denker und Priester, „die geistigen Lehrer des Volkes“, die die Kommunisten ermordet haben, Namen, die im Westen auch heute niemand kennt, einem Westen, der behauptet einen Kult des Gedenkens zu veranstalten, tatsächlich aber einen Exzeß an Gedächtnisverlust betreibt. Es ist wohl ein Wunder, daß sich das orthodoxe Priestertum angesichts des kommunistischen Massenmordes und der flankierenden Unterstützung der gesamten westlichen Linken, auch der deutschen und österreichischen Sozialdemokraten, überhaupt erhalten hat. Und man darf es wohl als namenlose Schande bezeichnen, daß Österreich die Symbole der Mörder noch im Staatswappen führt.

Als der Kommunismus in der Sowjetunion unter Gorbatschow zusammenbrach und sein Ende abzusehen war, wandte sich Solschenizyn im Sommer 1990 mit dem Buch Rußlands Weg aus der Krise an seine Landsleute. Solschenizyn ging es darum, praktische Vorschläge für ein zu erneuerndes Rußland zu machen. Dazu war es auch nötig, den territorialen Bestand Rußlands zu klären. Den Randrepubliken bis auf Kasachstan solle, so Solschenizyn, die Möglichkeit gegeben werden, sich bedingungslos von Rußland zu lösen. Die Grenzen der „Unionsrepubliken“ allerdings waren fast ausnahmslos von den Kommunisten ahistorisch und ohne Rücksicht auf Region und Bevölkerung gezogen. Deshalb gehörten riesige russische Gebiete zu fremden Unionsrepubliken. Dies betrifft vor allem die Republiken Ukraine und Kasachstan, aber auch andere Unionsrepubliken. Das Problem Rußland/Ukraine, das bekanntlich auch heute noch nicht gelöst ist, liegt Solschenizyn insofern am Herzen, als seine Mutter Ukrainerin war. Solschenizyn schlägt zur Lösung der Grenzfrage das Mittel der fairen Volksabstimmung vor, ähnlich den Grenzziehungen durch Abstimmung nach dem 1. Weltkrieg. Er erwähnt in diesem Zusammenhang die ukrainischen Gebiete, die bis 1918 österreichisch waren:

„In der österreichischen Monarchie nannten die Galizier im Jahre 1848 ihren Nationalrat noch nach altrussischem Brauch Golowna Russka Rada. Doch später entwickelte sich im von Rußland (!) abgetrennten Galizien unter dem österreichischen Übergewicht eine entstellte Sprache, die mit deutschen und polnischen Wörtern gespickt war. Es wurden Versuche unternommen, die Karpatorussen der russischen Sprache zu entfremden, man lockte mit einem gesamtukrainischen Separatismus, der sich bei den gegenwärtigen Führern der nationalistischen ukrainischen Emigration in volkstümelndem Obskurantismus äußert, etwa derart, daß Wladimir der Heilige Ukrainer gewesen sei. Diese Emigrantenführer versteigen sich schließlich zu dem Kampfruf: Der Kommunismus mag sein wie er will, wir müssen die „Moskowiter“ erledigen!“

Hier, wie in manch anderem Gedanken, dringt das russische Herz Solschenizyns durch und für die Feststellung, daß Galizien, Lodomerien, die Bukowina und die „Karpatoukraine“, also die Ostkarpaten, Teil der Habsburger Monarchie sind, könnte er wohl nur geringe Sympathien aufbringen.

Solschenizyn fordert weiterhin, daß die Menschen wieder lernen müssen zu arbeiten, ihr Schicksal selbst in die Hand zu nehmen. Er verlangt radikale Abrüstung und Marktwirtschaft. Die KPdSU muß vollständig enteignet und entmachtet, der Grund und Boden privatisiert werden, allerdings nur an Bauern! Vor einem kapitalistischem System der Bodenbearbeitung warnt Solschenizyn.

Die Aussagen Solschenizyns zur Frage der Staatsform sind zwiespältig zu beurteilen. Solschenizyn betont zwar mancherorts, daß es eine Obrigkeit geben muß, doch für eine Rückkehr des Hauses Romanow bricht er keine Lanze, ja er erwähnt das ja zweifellos auf göttlicher Vorsehung beruhende Zarentum des Hauses Romanow (bzw. Romanow-Holstein-Gottorp) nicht einmal. Dies ist um so rätselhafter, als er die Geschichte dieses Hauses ja kennt wie kaum ein zweiter. Die Einführung einer „Demokratie“, deren düstere und kriminelle Aspekte er ebenfalls genau kennt und in seinem Werk mancherorts ausführlich beschrieben hat, hielt er wohl schon 1990 für beschlossene Sache. Daß Rußland auf diesem Wege vom Regen in die Traufe gerät, hätte ihm klar sein müssen. Die Zeit seit 1990 hat das uneingeschränkt bestätigt. Auch Solschenizyn konstatiert 1999 das totale Scheitern des angeblichen „Neubeginns von 1990“. Warum hat er selbst damals die gleiche verführerische Demokratie-Melodie gespielt? Dies bleibt unverständlich und befremdlich.

Solschenizyn kennt die fundamentale Demokratiekritik durchaus und zitiert Tocqueville, Schumpeter und sogar Karl Woytila. Er nennt einige der bekannten Argumente gegen die Demokratie, zieht daraus jedoch überhaupt keine Konsequenzen. In den Usa hatte er sich mit seiner radikalen Zivilisationskritik wenig Freunde gemacht, da sie als antiamerikanisch empfunden wurde. Im legendären Jahr 1990 hielt er sich hingegen auffallend zurück. Dies war ein nicht wieder gutzumachender Fehler. Gerade für einen Mann wie Solschenizyn hätte die Tatsache, daß der „demokratische“ Weg in die Zerstörung hinein führt, vorhersehbar sein können und müssen. Die verschiedenen Vorschläge, die Solschenizyn zu Politik, Wahlsystem und Verwaltung vorträgt, machen dann auch einen eher belletristischen Eindruck und erschöpfen sich in Wunschvorstellungen. Ein „Semstwo“-System nach altrussischem Vorbild, wie es Solschenizyn beschreibt, kann ja überhaupt nur unter dem Schirm einer monarchischen Herrschaft und eines Reiches gedeihen und muß unter demokratischen Verhältnissen entarten, wenn es denn überhaupt eingeführt werden kann - was im Nachwenderußland nicht der Fall war.

Vier Jahre später veröffentlichte Solschenizyn das Buch „Die russische Frage am Ende des 20. Jahrhunderts.“ Hier handelt es sich um einen sehr ausführlichen historischer Abriß des Russentums, der die Geschichtssicht Solschenizyns darlegt. Es ist zum Teil amüsant zu lesen, wie Solschenizyn Deutschland und Österreich betreffende Ereignisse der russischen Politik beurteilt.

Solschenizyn ist russisch-orthodoxer Christ. Er fordert von der (russisch-orthodoxen) Kirche, daß sie sich vollständig vom Joch des Staates befreit und ganz mit der Seele des Volkes lebt. Sie möge nach dem Beispiel Christi Furchtlosigkeit zeigen. Solschenizyn mißtraut dem hohen Klerus und erhofft eine Evangelisierung Rußlands durch die Priester und das Christenvolk. Die orthodoxe Kirche soll keine Staatskirche mehr sein, doch stellt sich Solschenizyn vor, daß sie einen Einfluß ausübt, „wie ihn das Rabbinat in Israel hat“. Als verhängnisvoll für die russische Kirche nennt Solschenizyn das Schisma des 17. Jh. Diesem Schisma waren radikale Reformen der russischen Kirche vorausgegangen, mit dem Ziel, die russischen Liturgien den konstantinopolitanischen anzupassen. Die Reformen beinhalteten u.a. die Regel des dreifingerigen statt des zwei- und fünffingerigen Kreuzschlagens, ein dreifaches statt zweifachem Halleluja, die Schreibweise „Iisus“ statt „Isus“ für Jesus, die Vorschrift, die Prozessionen nach Sonnenaufgang statt nach Sonnenuntergang zu richten, sowie die Anpassung des Nizänums an den griechischen Text. Die Bewegung der bei den alten Sitten verbleibenden Altgläubigen, von den Gegnern „Raskolniki“ genannt, wurde für zwei Jahrhunderte blutig verfolgt, teils dezimierte sie sich auch in Massenselbstmorden.

Solschenizyn bemerkt, daß der Wille Zar Nikolaus II. einer durchgreifenden Erneuerung der Kirche vor 1917 im Wege gestanden habe. Die Revolution wurde daher von der Kirche zunächst als Befreiung empfunden, die ihr die von Gott geforderte Selbstbestimmung ermöglichte. Es sei daran erinnert, daß hier ein Prozeß begann, der in der katholischen Kirche bereits vor der Burg Canossa im 11. Jh. einsetzte! Alle Zaren des 19. Jh. hatten die russisch-orthodoxe Kirche durch einen Minister, den s.g. „hl. Synod“ regieren lassen und die Freiheit der Kirche gegen das göttliche Recht massiv beschnitten. Solschenizyn fordert eingedenk dieser Erfahrungen eine starke, unabhängige orthodoxe Kirche, die machtvoll ihr Wächteramt wahrnehmen kann. Doch ist dies angesichts der inneren Struktur der Orthodoxie und ihrer Trennung vom römischen Lehramt kaum möglich. Solschenizyn fordert ferner einen verständlichen und überzeugenden kirchlichen Unterricht für Kinder und Erwachsene, eine Modernisierung der Kirche ohne Verlust an Glaubenssubstanz, in diesem Zusammenhang Versöhnung mit den Altgläubigen (der sich allerdings noch schwieriger darstellen dürfte, als die Versöhnung der katholischen Tradition mit den Anhängern des „2. Vatikanum“.

Solschenizyn zeigt auf, daß auch im heutigen Rußland eine massiv kirchenfeindliche Propaganda lebendig ist. Diese korrespondiert mit der kirchlichen Erstarrung und nutzt diese rücksichtslos aus. Solschenizyn besteht aber darauf, daß es „der Geist der Orthodoxie ist und nicht die imperiale Macht, die den kulturellen russischen Typ herausgebildet hat. Die Orthodoxie, die wir in unseren Herzen tragen und die uns in unseren Sitten, unseren Haltungen erhalten hat, wird den geistigen Sinn in uns stärken, der höher steht als alle ethischen Erwägungen. Wenn wir in den uns bevorstehenden Jahrzehnten weiterhin mehr und mehr von unserer Bevölkerung, von den Territorien und schließlich sogar unsere Staatlichkeit verlieren - dann wird uns nur noch das eine Unvergängliche bleiben: der orthodoxe Glaube und das von ihm ausgehende Weltgefühl.“

Solschenizyn hat neben der großen Form des Romans und des historischen Epos auch stets die kleinen Formen des Gedichtes und der Prosaminiatur gepflegt. Vieles davon findet sich innerhalb der großen Werke, doch das Wertvollste hat Solschenizyn aufbewahrt. Diese Prosaminiaturen sind jetzt in einem Bändchen bei Herbig unter dem Titel „Was geschieht mit der Seele während der Nacht?“ erschienen. In zwei Abteilungen (1958-1963 und 1996-1999) gewährt Solschenizyn Einblick in die poetische Seite seines Schaffens.

Tief kann man, gerade auch als in der DDR geborener Deutscher, die Trauer nachempfinden, die Solschenizyn bei zugrunde gegangenen Dörfern empfindet, bei abgerissenen Kirchen und verschwundenen Klöstern. Das bis zur verbrecherischen Revolution blühende Leben wurde in ödeste Tristesse verwandelt und doch blieb ein Rest von Schönheit, ein Nachklang einstiger himmlischer Harmonie der christlichen Kultur: „Alle wurden von dem Gefühl einer Einheit ergriffen, die niemals sichtbar vor uns erschien, die langsam nach Sonnenuntergang vom Himmel herniederkam, sich in der Luft auflöste, durch die Fenster hereinfloß - jener tiefe Ernst des Lebens, der in der Hast des Tages nicht bemerkt wurde, sein vollständiger Sinn. Wir berührten ein schwindendes Geheimnis.“

Leider bedient sich der Verlag Langen Müller der Neuen Schlechtschreibung, was wohl kaum im Sinne des Dichters sein kann.

jeudi, 02 avril 2009

Alexander Solzhenitsyn (1918-2008)

 

 

soljenitsynevvvv.jpg

Alexander Solzhenitsyn (1918-2008)

 

por Gonzalo Rojas Sánchez  / Ex: http://www.arbil.org/

Solzhenitsyn fue heroico para denunciar a Occidente y a sus mediocridades: "Soy critico de un hecho que no podemos comprender: cómo se puede perder el vigor espiritual, la fuerza de la propia voluntad y, teniendo libertad, no apreciarla, no estar dispuesto a hacer sacrificios por ella."

Ha muerto un coloso. Después de casi 90 años intensos y fecundos, Alexandr Solzhenitsyn ha sellado su vida de modo paradojal: le ha fallado el corazón a uno de los hombres de mayor fuerza cordial del siglo XX.

Un héroe, eso fue el ruso más importante de la centuria pasada. Ante todo -y lo dejaremos hablar a él en estas líneas- fue heroico en la crítica, porque después de lograr sobrevivir a 8 años de trabajos forzados, dio a conocer al mundo el stalinismo, el sistema más opresivo y criminal que jamás se haya diseñado y practicado. Ese sistema por el que "Iván Denisovich había perdido la costumbre de pensar en lo que ocurría al día o al año siguiente, y de qué alimentaría a su familia; la dirección del campo lo pensaba todo por él." Ese sistema en el que "el plato de sopa importa más que la vida que llevaron antes y la que todavía les queda." Es el Gulag, esa palabra ya indeleblemente asociada a Solzhenitsyn y que desde su valiente denuncia estremece a todos, menos a los pocos comunistas aún vigentes.

Además, el premio Nobel practicó más adelante el heroísmo para criticar, cuando ya había sido acusado de antisoviético y corría el riesgo de ser nuevamente encarcelado o proscrito. ¿Quién sino él podía decirle por escrito a los líderes soviéticos que "no abrigo muchas esperanzas de que ustedes se dignen examinar ideas que no me han sido formalmente solicitadas, aun cuando provienen de un compatriota de rara índole; uno que no está en una escala subordinado al mandato de ustedes, que no puede ser despedido de su puesto, ni degradado o promovido o recompensado por uds.?" Sólo podía hablar así a esos burócratas del crimen un hombre heroico en el dominio y en el ejercicio de su libertad interior. Lo hacía porque tenía claro que "el marxismo siempre se ha opuesto a la libertad; el comunismo jamás ha ocultado el hecho de que rechaza todos los conceptos absolutos de moralidad; se mofa de toda estimación del 'bien' y del 'mal'."

Una vez expulsado de la URSS, Solzhenitsyn fue heroico para denunciar a Occidente y a sus mediocridades: "Soy critico de un hecho que no podemos comprender: cómo se puede perder el vigor espiritual, la fuerza de la propia voluntad y, teniendo libertad, no apreciarla, no estar dispuesto a hacer sacrificios por ella."

Vuelto a la Rusia post soviética en 1995, no vaciló en criticar su estado lamentable. "Rusia está pisoteada, hecha girones; han saqueado a Rusia, la han vendido a precio vil, pero hay algo más aún terrible: ¿de dónde vino esta tribu, cruel, bestial, estos ladrones codiciosos que se apropiaron hasta del título de nuevos rusos, que engordaron con tanto placer y elegancia con la desgracia de nuestro pueblo? Más funesta que nuestra miseria es esta deshonra ostensible, esta vulgaridad depravada y triunfal que se ha infllitrado en las capas superiores del Estado."

Pero la suya no fue una voz siempre ácida, sino que también iluminó caminos futuros y propuso nobles desafíos.

A los soviéticos les dijo: "Desechen esta ideología llena de grietas; cédansela a los rivales de ustedes: dejen que se vaya donde quiera; déjenla que siga de largo y se aleje de nuestro país como la nube de una tormenta, como una epidemia."

Y a Occidente lo interpeló: "Si no aprendemos a limitar drásticamente nuestros deseos y demandas y subordinar nuestros intereses a criterios morales, nosotros, la humanidad, sencillamente nos desgararremos, ya que los peores aspectos de la naturaleza humana sacarán a relucir sus colmillos; en la circunstancias cada vez más complejas de nuestra modernidad, el imponernos límites a nosotros mismos es la única senda que verdaderamernte hará posble nuestra preservación; la felicidad no reinará en nuestro planeta, no nos será concedida con tanta facilidad."

Pero sobre todo, en su patria clamó: "El camino es largo, muy largo. Si bajamos por la pendiente durante casi un siglo, ¿cuánto tiempo nos llevará subirla? Años y años, sólo para tomar conciencia de todas las pérdidas, de todos los males. (Š) En la Rusia actual, pervertida, arruinada, desconcertada, asplastada, es evidente que sin el apoyo espiritual de la Iglesia Ortodoxa jamás nos levantaremos; si no somos una manada de seres irracionales, necesitamos un fundamento respetable para nuestra unidad."

Se fue una presencia; quedó una voz rotunda, colosal.

·- ·-· -······-·
Gonzalo Rojas Sánchez

vendredi, 27 mars 2009

Vladimir B. Avdeyev: écrivain et philosophe païen

Perkunas.jpg

 

 

 

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995

 

Vladimir B. Avdeyev: écrivain et philosophe païen

 

Vladimir Borissovitch Avdeyev, né en 1962, est un écrivain russe contemporain. Il a commencé sa car­rière littéraire par la publication d'une série d'essais de “style romain” (notamment dans la rubrique “Prose d'élite” de la revue littéraire moscovite Literatournaïa Gazeta  en 1989) et par deux romans remarqués, La Passion selon Gabriel (1990) et Le facteur de membres artificiels (1992). Ces romans s'inscrivent dans une tradition littéraire plus philosophique et européenne que classique et russe.

 

Le dépassement du christianisme (1994), troisième grande œuvre de cet auteur, est un traité d'histoire et de philosophie, axé principalement sur les problèmes des religions non conventionnelles. Ce livre contient notamment une analyse des différences structurelles existant entre les religions monothéistes et poly­théistes. Il ouvre de nouvelles perspectives sur le développement des conceptions religieuses de notre monde contemporain.

 

Les déductions tirées par l'auteur sont dépourvues de toute ambigüité: nous sommes à la veille d'une nouvelle ère cosmique, l'ère du Verseau, qui apportera un changement complet dans les paradigmes reli­gieux dominants, annonciateur d'un épanouissement nouveau des religions panthéistes et polythéistes. Vladimir Avdeyev est païen par conviction: ses œuvres sont polémiques contre le christianisme, hostiles aux monothéismes. Il exprime clairement ses convictions, ce qui le rapproche d'une certaine “nouvelle droite”. Avdeyev critique le christianisme non dans le cadre d'une nouvelle école historique ou mytholo­gique, mais le définit comme un phénomène à la fois “occulte” et politique.

 

Vladimir Avdeyev théorise également la “contre-révolution païenne”, ce que ne font pas les autres idéo­logues contemporains de la “révolution conservatrice” en Russie, dont, en particulier, Alexandre Douguine, plus connu dans les médias occidentaux, qui propage un mélange théorique peu convention­nel, où confluent les constructions nées dans les salons européens et les archétypes de l'orthodoxie russe.

 

Vladimir Avdeyev est aujourd'hui membre du Conseil de Coordination de l'Union des Communautés Païennes Russes, dirigé par le célèbre écrivain ruraliste Alexandre Belov. Un congrès de ces “communautés païennes russes” a eu lieu à Moscou en mars 1995. Les congressistes ont décidé de for­mer en Russie une caste de “kshatryas”, c'est-à-dire de militaires et de combattants, vivant en confromité avec les fondements de la conception païenne du monde.

 

Anatoli Mikhaïlovitch IVANOV.

 

(pour tous renseignements: V.B. Avdeyev,113.162 Mytnaya, 23-1-47a, Moscou, Russie).

mardi, 24 mars 2009

Aleksandr Solzjenitsyn - Leven, woord en daad van een merkwaardige Rus

Aleksandr Solzjenitsyn

Leven, woord en daad van een merkwaardige Rus

Ex: http://onsverbond.wordpress.com/

 

Op 3 augustus 2008 overleed de Russische auteur en voormalig dissident Aleksandr Soljzenitsyn. Naar aanleiding van zijn overlijden volgt hier een beknopte schets van het leven, het werk en de nalatenschap van een van de monumenten uit de Russische literatuur.

LEVEN

<Aleksandr Soljzenitsyn werd op 11 december 1918 geboren te Kisovodsk als zoon van een tsaristische officier die gesneuveld was tijdens de Eerste Wereldoorlog. Als overtuigd communist sloot de jonge Soljzenitsyn zich in 1941 aan bij het Rode Leger, na zijn studies in de wis- en natuurkunde te hebben vervolmaakt. Als wiskundig specialist we

rd hij als officier ingedeeld bij de artillerieregimenten van het Rode Leger, hoewel hij reeds vroeg in opspraak kwam

door kritische uitlatingen aan het adres van Stalin in een briefwisseling met een kameraad aan het front. Dit ‘vergrijp’ kwam de kritische jongeling duur te staan: hij werd veroordeeld tot dwangarbeid in diverse werkkampen. Bij de dood van Stalin in 1953 werd zijn straf omgezet in drie jaar ballingschap in de Sovjetrepubliek Kazachstan. Zijn ervaringen met de concentatiekampen in die jaren zou Soljzenitsyn later neerschrijven in zijn romans In de eerste cirkel (1968) en Het Kankerpaviljoen (1968).

De dood van Sta

lin leidde een versoepeling in van de censuurpolitiek onder het bewind van Nikita Chroesjtsjov, waarop Soljzenitsyn de kans zag tot het publiceren van zijn werken. Een in 1962 gepubliceerde novelle Een dag in het leven van Ivan Denisovitsj vormde een klinkend debuut van zijn literaire carrière, hetgeen hem op slag beroemd maakte.

Sovjetleider Jozef Stalin.

Na het afzetten van Chroesjtsjov in 1964 en ook door het succes van Soljzenitsyn verscherpte de censuur zich weer in de USSR, onder meer op aandringen van een conservatief-communistisch gezinde groep van cultuurpolitici in het Kremlin. Aantijgingen, pestcampagnes en dreigementen van de KGB en andere Sovjetautoriteiten aan Soljzenitsyns adres lieten na deze institutionele hervormingen niet op zich wachten en het geheel culmineerde in een buitengewoon stoutmoedige reactie van de dissident zelf: in 1967 schreef hij een open brief aan het 4de Congres van de Schrijversbond met een duidelijke vraag tot het afschaffen van de Sovjetcensuur.

Het intellectueel verzet van de auteur werd stilletjes aan opgemerkt in het kapitalistische Westen naarmate zijn werken er met mondjesmaat gepubliceerd raakten en officiële erkenning van de strijd van de auteur liet dan ook niet lang meer op zich wachten. In 1970 werd immers, ondanks een hetze in de Sovjetpers en Westerse angst voor de eventuele politieke implicaties van deze erkenning, de Nobelprijs voor Literatuur aan Soljzenitsyn toegekend. Deze erkenning gaf het regime in Sovjet-Rusland een nieuwe aanleiding om zijn pijlen op de dissident te richten, hoewel ook deze keer Soljzenitsyn van zich afbeet in een stoutmoedige tot zelfs arrogant aandoende reactie. Naar aanleiding van de vuilbekkende artikels tegen zijn persoon in de Sovjetpers schreef hij een brief aan partij-ideoloog Soeslov met daarin een voor de autoriteiten onaanvaardbaar eisenpakket: Soljzenitsyn wenste zijn werken onder meer te zien verschijnen in nieuwe oplagen en in de rekken van de Sovjetbibliotheken.

Premier Poetin en Aleksandr Soljzenitsyn.

Van 1973 tot 1975 gaf Soljzenitsyn de verschillende delen van zijn roman De Goelagarchipel uit, hetgeen hem de ultieme straf opleverde: hij werd in 1974 verbannen uit de Sovjetunie. Soljzenitsyn trok in 1976 naar de VS, waar hij in 1978 de Westerse intelligentsia tegen zich in het harnas joeg door zich kritisch uit te laten over het kapitalisme en de consumptiemaatschappij van het Westen in een toespraak aan de universiteit van Harvard. Na de val van de USSR keerde hij terug naar Rusland, waar hij in 1994 een triomfantelijke zegetocht maakte doorheen het onmetelijke land. Soljzenitsyn bleef onafgebroken werken publiceren tot aan zijn dood op 3 augustus jl. In 2007 kreeg hij de Staatsprijs voor Humanitaire Verdiensten en tijdens de laatste fasen van zijn leven bouwde hij een vriendschapsband op met Vladimir Poetin, voormalig president en huidig premier van Rusland.

IDEOLOGIE EN ENKELE PARALLELLEN

Aleksandr Soljzenitsyn.

Soljzenitsyn kan gezien worden als de literair-culturele grondlegger van een nieuwe en toch traditionele koers die Rusland volgens hem zou moeten volgen om zich uit de naweeën van het Sovjettijdperk te ontworstelen en op te staan als de rechtmatige culturele en politieke grootmacht die Rusland altijd was in zijn eeuwenlange en rijke culturele en politieke geschiedenis. Deze ‘Russische Mythe’, die centraal staat in de gedachtegang van Soljzenitsyn en ook is neergeschreven in zijn literaire werken, berust op de idee dat een volk als gemeenschap fundamenteel verschillend van andere volkeren zijn goddelijke zending moet vervullen om zijn plaats in te nemen in het lappendeken van volkeren: ieder volk heeft deze plicht van hogerhand meegekregen, zodat de mens als soort kan uitblinken in de verschillende facetten waarin deze soort kan voorkomen. Deze ideologische visie stamt uit de vroegste fasen van het nationalistisch denken, het vredevol ‘Romantisch nationalisme’ uit het begin van de 19de eeuw.

Verder heeft Soljzenitsyn diepgaande kritieken geformuleerd op de latere vorm van nationalisme, die met het darwinisme de poort openzette naar de gruwelen van de Tweede Wereldoorlog en de creatie van de Sovjetunie. Tevens uitte hij in de jaren 1970 bijtende kritiek op de Amerikaanse consumptiemaatschappij als een gedegenereerde vorm van de Verlichtingsidealen die mede aan de wieg stonden van nationalisme en Romantiek in de vroege 19de eeuw. Essentieel in Soljzenitsyns visie is een aandeel van het transcendente – het godsdienstige – in het streven van de mens per volk. Dit aandeel verheft het streven van de mens immers tot een ethisch hoogstaand niveau, hetgeen een ethische buffer installeert tegen moreel laakbare uitspattingen als gevolg van misinterpretaties van menselijke ideologische systemen, zoals in de Westerse consumptiemaatschappij – waar van hun intrinsieke waardigheid ontdane mensen als vee op een veemarkt worden geschat op hun consumptie- en productiewaarde – en zoals in het Oosten het geval was met de gruwel van de USSR.

Soljzenitsyns visie op Rusland oefende een enorme invloed uit op de hedendaagse politieke en culturele elite, zowel binnen als buiten Rusland. Dit stelde hem in contact met enkele andere markante personages uit de laatste decennia van de 20ste eeuw, waarvan met sommigen de gelijkenissen en tegenstrijdigheden soms uit onverwachte hoek komen.

Zo had Soljzenitsyns denken veel parallellen met de politieke visie en actie van het vorige hoofd van de Rooms-Katholieke Kerk, paus Johannes-Paulus II. Ondanks de traditionele reserve van het orthodoxe christendom ten opzichte van het rooms-katholicisme vinden we treffende gelijkenissen in het denken van beide figuren. Beiden gingen uit van een innige verwevenheid van goddelijke zending en menselijk handelen in het geheel van het wereldgebeuren. Een mens als individu en als lid van een volksgemeenschap komen in de wereld met een goddelijk doel, waarbij het lijden als typisch christelijke trek een doel kan hebben in het leven van een mens. Let maar op het lijden van Soljzenitsyn als politiek dissident, hetgeen hij omsmeedde tot een wapen met als doel het vormen van een cultureel gefundeerd alternatief voor de USSR, wat uiteindelijk tot politieke verwezenlijking leidde in het kleine aandeel dat Soljzenitsyn had in de val van de USSR, zoals ook paus Johannes-Paulus II dat heeft gehad.

Een tweede duidelijke parallel is te trekken tussen Soljzenitsyn en premier Poetin. Met recht kan gezegd worden dat Poetin voor een deel op politiek vlak in praktijk bracht wat Soljzenitsyn op cultureel-literair vlak met Rusland voor ogen had. Tekenend voor deze parallel is de vriendschap die beiden opbouwden in de laatste jaren van Soljzenitsyns leven en de officiële erkenning die Poetin gaf aan het werk en de nalatenschap van zijn vriend door hem in 2007 de Staatsprijs voor Humanitaire Verdiensten te schenken.

ENKELE BEDENKINGEN

Sovjetleider Nikita Chroesjtsjov.

Door de aard van zijn literaire activiteit en doordat Soljzenitsyn vanaf zijn debuut onafgebroken schreef en publiceerde, is zijn werk een perfecte literaire barometer om af te leiden hoe het gebruik van censuur in de USSR evolueerde. Onder Stalin heerste er een streng repressief klimaat, wat we kunnen opmerken uit het meteen versoepelen van Solzjenitsyns straf van dienst in een werkkamp naar ballingschap bij Stalins dood in 1953. Deze versoepeling op gebied van repressie en censuur kenmerkt het bewind van Nikita Chroesjtsjov, die de censuur terugschroefde om zich – postuum – af te zetten tegen zijn voormalig politiek rivaal en voorganger Stalin. Merk op dat Soljzenitsyns straf, die hij had opgelopen vanwege zijn kritiek op Stalin, werd verminderd en dat zijn 1ste novelle, Een dag in het leven van Ivan Denisovitsj, eveneens een kritiek op Stalin, in 1962 mocht verschijnen. Net zoals de dood van Stalin een cesuur vormde in de evolutie van het Sovjet-Russische censuurbeleid, leidde ook het afzetten van Chroesjtsjov in de nasleep van de Cubacrisis en een hongersnood in de USSR tot verandering in het censuurbeleid. De censuur werd verscherpt, wat men kan merken in de steeds grotere tegenkanting culminerend in Soljzenitsyns moedige open brief in 1967 met vraag tot het afschaffen van de censuur.

Soljzenitsyn heeft een reputatie nagelaten van moedig politiek dissident, die in tegenstelling tot de normaal menselijke reactie op repressie – zich gedeisd te houden – tot de selecte groep bleek te behoren die zich niet alleen niets aantrok van deze repressie, maar zelfs aanstoot nam aan tegenwerking om de stok nog eens extra in het hoenderhok te gooien, getuige voornoemde open brief in 1967 en zijn aanstootgevende eisenpakket aan partij-ideoloog Soeslov in 1970. Daarmee is Soljzenitsyn tot op vandaag een spreekwoordelijk voorbeeld van politieke moed – en dit niet voor vijf minuten (!), maar gedurende zijn gehele leven – ondanks alle tegenslagen en ronduit vijandige omstandigheden.

Hoewel bij het beschouwen van zijn literaire carrière misschien de nuchtere nuancering zou kunnen gemaakt worden dat Soljzenitsyn na verloop van tijd zijn imago van dissident probeerde te cultiveren, als middel tot persoonlijke bekendheid en voordeel, valt deze overweging dadelijk in het niet bij het overdenken van de risico’s die gepaard gaan met het uiten van kritiek op een regime dat onmenselijke middelen niet schuwde om ‘incorrecte’ meningen de kop in te drukken. Een nuchtere kosten-baten-analyse door een charlatan zou de balans in het voordeel van het plat opportunisme doen overslaan, een weg die Soljzenitsyn zeker niet bewandeld heeft, zodat we met recht en rede kunnen besluiten dat Soljzenitsyn gerekend mag worden tot een van de dapperste idealisten van de laatste eeuw.

Tenslotte kan Soljzenitsyn behalve tot de selecte groep van politiek-culturele koppigaards ook nog gerekend worden tot de uiterst selecte en uitverkoren groep die niet alleen een politieke verschuiving mee heeft kunnen realiseren, maar echter de gevolgen van zijn politiek-literaire activiteiten tevens nog verwezenlijkt zag tijdens zijn eigen leven, of tenminste een schuchter begin daarvan. Soljzenitsyn kan aldus genoemd worden als het voorbeeld bij uitstek van hoe literatuur en een politiek geëngageerde levensloop hun stempel kunnen drukken op de bestaande politieke realiteit, getuige de wederopstanding van Rusland uit de as van de USSR en de persoonlijke band tussen Soljzenitsyn en een van de machtigste figuren van Rusland.

Vbr. stud. philol. Raf Praet

samedi, 21 mars 2009

The Social Vision of Valentin Rasputin

Valentin_Rasputin.jpg

The Social Vision of Valentin Rasputin

by Matthew Raphael Johnson

The Social Vision of Valentin Rasputin

by Matthew Raphael Johnson

In his own mind Rasputin may well be answering some such summons to be his own people’s medicine man for the purposes of understanding and cleansing that part of the world he calls home. –Harry Walsh

Soviet Marxism and Western Capitalism are nearly identical systems of rule. Where they differ is in the means of policy implementation. The USSR based its existence, clumsily, on a state apparatus. The west is far more sophisticated. It rules by a complex Regime: a matrix of private, state and semi-private capital, meshing together in advocating specific policies, appearing to be separate sources of power, but, in reality, offering a closed oligarchy of power, wealth and arrogance.

Nowhere is this identity of policy more obvious than in the realm of agriculture. Both capitalism and Soviet Marxism claim to be the bearers of Enlightenment values to mankind: modern Promethiuses, bringing the “transvaluation of all values” to a benighted herd. Both ideologies believe in progress and technology, which provides both with a distorted view of country and agrarian life. Both ideologies demand absolute conformity to its ideological dictates, even to the point of building global empires to impose such ideas. But insofar as the agrarian life is concerned, these ideologies are identical, considering this life “backward” and “inferior” to the technological paradise of urban living. Both ideologies demand, in short, either the eradication of country life (as in Lenin’s case), or its radical transformation (as in Khrushchev’s case). In Soviet Russia, modernization meant the state’s invasion of the agricultural sphere, demanding strict oversight and control of all agricultural programs, and encouraging migration to the cities. Urbanites were told to “enlighten” their “backward brethren” in rural areas into the socialist idea and the technological paradise that awaited them. Entire regions of arable land were annihilated through dam projects which flooded them, or nuclear fallout from tests, or environmental disasters responsible for the deaths of thousands.

In the west, as always, the policy is identical, the means very different. In 1999, the U.S. Department of Agriculture met with the two oligolopolists of the agrarian life–Archer Daniels Midland of Kansas City, and ConAgra of Omaha. Their purpose was the final destruction of the family farm and the parceling out of the abandoned arable to their corporate interests. In the meantime, major media was spewing the typical stereotype of rustics as hicks and morons, with pickup trucks and southern accents, “spittin’ tobacca’” and killing non-whites. It was and is an acceptable stereotype, according to the apostles of diversity, and one encouraged by everything from sitcoms to stand up comics. If one wants to sound stupid, merely speak in a southern accent. Media and corporate finance worked hand and hand to destroy agrarianism, small towns and the family farm.

The reality, of course, is that, from a political and moral point of view, the agrarian life is a threat. It is a threat to the Regime and its obsession with social control and Pavlovian manipulation. In Russia, it was not the Soviets who depopulated the countryside, by rather the “democratic reformers,” so beloved of Beltway lawyers. And it is within this context that the prose of Valentin Rasputin (b. 1937) needs to be understood, and cannot be understood without it.

The defenders of agrarianism are few and far between: Jefferson, Emerson, de Bonald and Rasputin largely exhaust the names. The Green movement in America, though occasionally assisting this cause, is funded almost exclusively by the Rockefeller and Ford Foundations, and contain, equally exclusively, Volvo-driving urbanites and suburbanites who might want to defend the “family farm” in theory, but despise actual rural people in reality. What the SUV-environmentalist crowd is actually doing in the name of “saving the family farm” is attacking rural hunters and ranchers (occasionally with state-sanctioned violence). The environmentalists have made their central policy ideas the attacks on hunting, ranching and logging, three major occupations of rural America. Whether the soccer moms see the absurdity is a matter of speculation, but the board of the Rockefeller Brother’s Fund fully is aware of it. The attack on rural life is both an ideological, as well as a class, battle. In the early 1990s, a common sight was turtle-neck clad suburbanites attacking poor, rural hunters in the name of “animal rights.” While only a few specialized outlets would touch stories like that, the clear class lines of the confrontations were obvious.

In the prose of Valentin Rasputin, many of these struggles make their appearance. Rasputin is largely loathed and ignored by the denizens of American literary criticism, and the published literature in English on his work numbers a whopping four articles. These range from the simplistic but informative “Conflicts in the Soviet Countryside in the Novellas of Valentin Rasputin” (by Julian Laychuk, published in the Rocky Mountain Review), to the very well done “‘Live and Love’: The Spiritual Path of Valentin Rasputin” (by Margaret Winchell, published in Slavic and East European Journal). The nature of Rasputin’s social vision is at the root of this obvious hostility.

For Rasputin, the dividing line of the 20th century is clear: it is between civilization and country; urban and rural; artificial and natural. Such a dividing line is common enough. His major works proceed in a basic and predictable style, more aimed at approaching an audience than explicating a genre. But this dividing line is always present, and it is what provides this writer with his strength and consistency.

The artificial world is that of civilization: regimented and fake. It is the world of ideology and power. The world of civilization is that of geometry, it is the Tower of Babel, where the worship of dead matter is the official religion. It recognizes only materiality, for materiality can be easily manipulated and controlled. It is elite by definition, for only an elite can even begin to understand the feats of engineering and mathematics that must be understood before the “marvels” civilization are manifest to the world. Reason is reserved to the elites, while the herd is controlled through their passions. The herd is accepting of technology because their “needs” are easily met by it, but at the price of their freedom and independence. But even more significantly, at the price of their identity.

But as the urban/civilizational life is based upon matter, the rural/rustic life is based on spirit. This is a rather complex notion in Rasputin, but is a notion that has a rather long history behind it. Spirit is not the opposite of matter, but is something hidden behind it, in the literal meaning of “metaphysics,” as something “behind” appearance. What science/urbanism can understand is solely what is can quantify , whether it be heat or velocity; votes or roubles. Matter is by its constitution quantifiable, and therefore controllable. Spirit is another matter, and is that aspect of material life that is non-quantifiable. Orthodox Christians can in no manner posit a radical opposition between spirit and matter, for it is precisely this confrontation that made up the “practical” backbone of the Synod of Chalcedon in 431. It is this distinction, that, at least at the time, made up the confrontation between Christian and Monophysite heresy. Matter and Spirit are two very different sides of the same thing. As vulgar Orthodox scholars like to reduce Chalcedon to a “quibble over language,” the reality is rather different, and goes to the heart of a Christian metaphysics.

In 18th century Ukraine, a now largely unread philosopher and metaphysician was active, Gregory Skovoroda. His mind was set to develop a Christian metaphysics, one that would do justice to the powerful insights of Chalcedon. Skovoroda is significant in understanding the nature of Spirit as manifest in the writings of Rasputin, and is able to distinguish Christian spirit from both the vulgar spiritualism of western “religion” and the materialism of the western economic world. One sentence might make sense of this: “This one is the outer frame, that one the body, this–the shadow, that–the tree, this–matter and that–the essence; that is the foundation sustaining the material mud just as the picture sustains its paint.” Though Skovoroda is distinct from Aristotle as he writes: “The universe consists of two essences: one visible, the other invisible. The invisible is called God. This invisible nature or God penetrates and sustains all creation and is and will be present everywhere and at all times.” While far from “materializing God,” such ideas (and they are difficult to being out in English) speaks of God as the Law of Law, or the Essence of Essence. Regularity and Law exist in the universe, and the ground of this regularity is God. Regularity and Law cannot exist without a Lawgiver by definition. While the Essence exists, the appearance, or the “material” side of this, is regularly changing. However, God is not purely imminent, but is so insofar as human beings can approach him. Objects the way out fallen and vulgar understanding picture them, are merely “shadows” cast by the Primal essence, or the Law of Law.

Objects partake of Law and Regularity, and that is the “divine” in them, object sub specie aeternis. Only the advanced ascetic can see objects in this manner. An object as it is, rather than as it appears. In the fallen world, objects/material are things for manipulation. They become objects, as Locke will argue, only to the extent that they are expropriated from their natural state. Humans too, can exist in either a natural or “expropriated” state. Objects exist to the extent to which man has rejected his empirical state of fallenness, and though the Orthodox life, through fasting and silence, can the Reality of being make an appearance. Objects do not them excite lusts, bur rather joy and contemplation.

Natural objects are “paths” to God, here. For they hide the reality of the Creator under their “accidents,” qualities that primarily strike the observer for only the fallen mind can appropriate these things. From this falseness, objects appear in a distorted way, as mere means for the domination of the gnostic elite over all nature through geometry. Ultimately, this is the genesis of empiricism and later capitalist democracy. Objects appear thus through the jaundiced lens of sin and fear of death. While Hegel argued that objects appear differently to different historical epochs, conditioned by specific ideas relative to such ears, Orthodoxy views the material world as changing through the specific “rung on the ladder” the ascetic finds himself on.

Skovoroda does not really require a “space” that is “beyond” the appearance of objects. Vulgar western religion has posited God “up, above” our material existence, existing in “heaven” that is “out,” somewhere “in space.” God then is a purely transcendent being, someone radically separate from his creation, and thus needs to be petitioned like a feudal lord. Of course, the patristic reality is different. God’s person is found as the eternal “idea” in creation, a part of it but far from identical with it. He is imminent in this sense, and is manifest to only the Orthodox ascetic through a life of self-denial, the slow emergence of the sprit struggle through the prison of false images cast by sin and fear. After the various western schisms, these religious bodies quickly lose this specifically imminent aspect of God. The papacy, then, in Protestantism, the individual will, was to take its place, until God became a mere philosopher’s phantom, without real being, without presence.

Once men begin the Christian struggle and receive “adopted sonship” through baptism, they become a living, empirical aspect of the Spirit’s activity on earth. Men do not pray in the sense they renew their driver’s licence (the Protestant view), but the Spirit communicates with Christ through their/our material agency. In other words, this metaphysics posits man/creation not radically separated from God, but simply unable to see His presence under the layers of filth caused by sin, the world and the Regime’s science. The Regime posits a globe of dead matter (including the cowans, i.e. non-initiated people, the herd) ripe for manipulation. Orthodoxy posits a material world that is bi-composite: one, comprising the qualities that Locke is convinced exhaust the matter of matter, and, two, the spirit, the Law of Law, or that aspect that permits matter to partake of Law and Regularity (without which there could be no science, good or bad). The life of asceticism permits the ascetic to begin to see and focus on the Law, rather than its quality, though Law through quality, rather than opposed to it.

Whether or not Rasputin regularly reads this great Ukrainian writer is another story, but in reading these novels, one can easily see the influence of the Chalcedonian metaphysic. For Rasputin, the urbanite cannot see the spirit underlying matter (so to speak). Everything in urban life, as all is conditioned by will, appears artificial, to be merely a bundle of qualities (i.e. substance-less). Men are no different, for to reduce them to a bundle of qualities is the only means of controlling them. Freedom, properly understood, derives solely through Orthodox asceticism; urbanism, therefore, must be based on indulgence, for indulgence, by building up the passions and their demands for satisfaction, permits for those who control access to such fulfillment full control over “human” or semi-human faculties. Urbanism destroys humanity; it destroy’s freedom by its very constitution and organization.

For Rasputin, particularly in his more recent labors, the purpose of life is to struggle to see, at least in outline, the basic spirit structures of the world. This can only be done in nature, outside of the distorted elite lense of urbanism. His characters experience mystical visions when in the outlands of Siberia, suggesting a knowledge that is beyond logic; a strange form of communication between Law and the psyche, one completely bypassed by modern geometry/logic. Such experience radically change these characters, bringing them to a knowledge of their identity and therefore, purpose. Rasputin’s epistemology is mystical, in that the mind is illumined through participation, a participation in Law, or a Reality that is only in a small way explicable through logic. The argument looks like this:

  • P1: Modernity is based on quantification
  • P2: Quantification is a quality adhering to extended matter
  • P3: Extended matter, by definition, is not free, but is subject to manipulation
  • C1: Therefore, Modernity is based on the manipulation of extended matter
  • C2: Therefore, Modernity is based on unfreedom
  • P4: Logic exists to assist in the manipulation of extended matter
  • P5: Logic has no purpose other than being applied to matter and its behavior
  • C3: Spiritual experience is therefore non-logical (super-logical).
  • C4: Modern life can only see things that logic can manipulate

While this is incomplete, this argument makes a great deal of sense out of Rasputin’s writings, and the agrarian life specifically. Because of the nature of “participation,” (in the Platonic sense) Rasputin’s heroes/heroines, often are not specifically educated formally. They are people who have, so to speak, absorbed, through participation, the Reality of life. These are often older women, our babas or yayas, who, simply through experience outside of the logical/mathematical world of urban life, receive a great deal of wisdom, a wisdom outside of the experience of the urban life, a life that cannot absorb anything that is not based on the behavior of matter.

In modern life, the Slavic and Greek immigrant community that first built Orthodox life in North America is dying. Our babas/yayas are either dead or extremely elderly. In many parishes in America, the elderly are the only ones left, preserving some vague memory of the old country and a way of life radically alien to the American. They remain the last holdouts largely because of a specific form of cruelty and abuse, one specific to modernity, that is abandonment. But not a simple form of leaving home, but a sort of abandonment very different from that; it is a mental leaving of home.

My babas are still to be found among the Ukrainians of Lincoln, NE, holding down the parish of St. George with no more than 7 or 8 elderly members as of this writing (April 2007). These are the original Slavic immigrants to this part of the world. They came with nothing and built a small but extremely prosperous community. Needing no help from the Regime, the Ukrainian community in Lincoln and Omaha built a life based on the agrarian ideal of the small community, ethnic unity, religious devotion and limited wants. Media knew no role in their life. There were no TVs, and the music was either religious or folk. Coming to America not speaking English, being of an alien religion, and knowing nothing but persecution and suffering, these Ukrainins built prosperity and togetherness. In fact, to such an extent that they were able to finance several shipments of goods to Ukraine after the 1986 nuclear disaster, and were even involved with settling new immigrants and smuggling Christian literature into Ukraine. They burned their mortgage on that parish years early. They rarely contracted debts, and are now in retirement, enjoying a great deal of security.

Their children? A different story; a story of objective evil, failure and stupidity that can be summed up in two words: modernity and Americanization. These children have left the church and the community. They speak to their parents in the most smug of condescending tones, without a clue as to their virtues. The children have sought entry into corporate America, and, at best, have become groveling middle management bureaucrats, without identity, spirit or purpose. They watch the parish(es) that their parents built die of neglect, but have no difficulty in buying the SUV or spending $40 per tank of gas. They spout rehearsed slogans about democracy, as they vote for Clinton or McCain, while assisting in the destruction of real democracy, the autonomous ethnic community, financially and socially independent. They have abandoned the Ukrainian community and its church, while vegetating in front of the television, the chatroom or the ball game. These are survivors of both Soviet and Nazi Holocausts (some were married in the camps by secret clergy), but, oddly, no one cares; no one asks them how. No one asks about their experience, and they die in obscurity. Just down the street at my Alma Mater, the University of Nebraska, there are several scholars pretending to be Russia experts, and has one asked these survivors about their experience? Not one.

This is the vision of Rasputin. The elderly country woman as the ignored, spat upon bearer or wisdom. The spitter? The urbanite who abandoned the ancestral life for urbanism, the chance for power and money. The urbanite believes that formal education is the “magic elixir” that will transmogrify him or her from an ignorant bumpkin to a civilized member of the New Soviet Experiment, the 21st Century, or whatever. Returning to the village, smug and arrogant, the baba is simply considered an “old, pious fool,” but, as always, a fool who is far wiser than any urban bureaucrat, crammed into his minuscule apartment in the name of “success” and “progress.”

The baba is people centered; she is concerned with personality and simple yet profound moral lessons. The urbanite is institution centered. He is concerned with “progress” and “utility,” even “competitiveness.” Folklore is the center of the “people centered” baba, while ideology is the center of the “progress centered” urbanite. For the baba, decentralization is the key to freedom (though it is never articulated as such); while for the urbanite, it is centralization; oversight; control; coordination. These are the modern buzzwords. As always, the baba is the simple and unassuming (but strong) advocate of freedom and personality; the urbanite is the advocate of the machine and the institution; weak and dependent. Baba is strong and independent. Rasputin paints these colors in a strong but realistic contrast that is simply too much for the modern American literary critic to stomach. Many of us can see some of our own experience in Rasputin’s pages. My babas in Lincoln are powerhouses of knowledge, articulated in simple yet compelling forms. Their children have absorbed the latest fads from the major media, and thus appear as dependent, weak and childish (rather than child-like) shadows of their parents. For the babas, community and its values, codified in folklore, is the guide to life, for the urbanite, it is ultimately the ego, but an ego flattered by modern ideology and fashion.

Another writer has done an excellent job in getting to the heart of Rasputin’s work. In his article, “Shamanism and Animistic Personification in the Writings of Valentin Rasputin” (South Central Review, 1993), Harry Walsh brings out a few new insights into the agrarian vision through the prisim of ancient Shamanism. While Rasputin is Orthodox, his view of the ancient pagan “religion” of Russia is typical of my own: harmless customs that serve largely to humanize nature. These kinds of simple religion take natural reason and feeling as far as it can go in dealing with natural phenomenon without revelation. There are no “gods” in the Christian sense, but rather poetic fetishizations of either natural or social forces. It is precisely these customs and poetic “humanizations” that St. Innocent of Alaska strictly forbade his missionaries to interfere with as they were being evangelized into Orthodoxy. So long as these ideas did not interfere with the Christian faith, they were to be left alone.

Once of these sort of “personalizations” that comes out in Rasputin’s work is important to agrarianism and anti-modernism, and that is the “personification” of objects; that is, the personification of the land itself, and its common markers: rovers, mountains, leaves, colors and sounds. Here, as is commonly seen in Johann Herder, language is merged poetically with nature, with one’s surroundings. In herder’s case, thought is inconceivable without language (and thus historical experience), thought itself is merged within the natural world. The natural world is then a home. Contrary to the ravings of the gnostics and technophiles, nature is not an arbitrary creature, the creation of a semi-wicked demiurge that needs to be dethroned and “corrected,” but is a home, a life, it is not “other,” but an extension of one’s self. In Russian the noun “drug” means both “friend” and “other,” showing the slow merger of the two concepts. Of course, there is no “other” in friendship: the one is swallowed in the other. Friendship is precisely the swallowing of otherness, and a pleasant and voluntary absorption of otherness.

For the agrarian, the land is a person, in a sense. It is a loving mother that, all other things being equal, yield her bounty when she is treated with respect, no different than a loving wife. Is there a connection between modernity, abortion and the destruction of agrarian lifestyles? Of course. They are all really the same notion: the female, nature is desecrated and abused in the name of progress. As Francis Bacon wrote, “knowledge of nature” is “power.” Knowledge of nature is designed to keep her in submission, chained to the libidinous whims of the Lunar Society. Rape and industry have the same Baconian/Atlantean root. Therefore, agrarianism is seen as backward, as the male whoremonger is seen as macho and virile.

Nature in Rasputin is not merely to be preserved and loved as a mother/wife because she is pretty, or because she yields fruit. Both are important, but it goes deeper: nature is a mediator, of sorts, between man and God. The Orthodox vision of relics partakes in a limited way from this insight. Nature, to the sensitive, aesthetic and ascetic soul, contains the “fingerprints” of God in that it is regular, law governed, and sensitive to affection. It is not a difficult road from nature as law bearing, to nature as designed, to nature as the subject of a creator. The sensitive soul sees in nature tremendous beauty, order, proportion and the source of bodily life. How difficult is it to go from here to God as Beauty, Love and Provider? Even in the more disagreeable aspects of nature, such as snake’s venom, or cow dung, one can see the hand of the creator. Human beings, like it or not, eat that cow dong when we eat the products of the earth, that have been fertilized by it. Back in Nebraska, the farmers would tell the suburbanites holding their noses in the rural areas: “It smells like s**t to you; money and food to us.” They never quite had the heart to tell these benighted souls that they eat this fertilizer in every bite of a tomato or carrot.

For the agrarian, nature, the village, the trees and mountains are friends. They create a home. They are part of a larger community all bound together in love, a love at least partially manifested in the “law bearing” aspect of natural events. Science has never been able to understand that nature of regularity as such. Newton can understand it as a quality of matter, but as to its source, that’s another issue. Regularity is not something that adheres to objects, but itself must have a source. Regularity and law are the basis of science, and yet its source is purely in the realm of metaphysics and theology. Regularity and law are not the products of random events, but themselves are objects of scientific inquiry, and only a Law of Law, or the ground of law, can be responsible for order in a universe that tends to disorder and dissolution.

Yet, contrary to the myopia of modern positivism, poetry is the source of making a home out of natural objects. A home for the modern suburbanites is the McMansion thrown up in a few weeks by a builder making a quick buck, only soon itself to be sold in order to see a profit. Rasputin and the agrarian tradition see a home as a complex matrix, a matrix of sights and sounds, smells, people, colors and structures. Only a sensitive mind can “see” memories in an old barn, a careworn field, or an old tractor. The modern suburbanite cannot.

But taking this one step further, Dr. Walsh makes it clear that in Rasputin’s writings, these connections among objects, God, law, sense, memory (in the affective sense), loyalty, home, family, community, local institutions, etc., called by the ever misinterpreted Slavophiles “integral knowledge” automatically mean that man is a mediator, he is a mediator between the senses themselves (what philosophers sometimes call “intersubjectivity”); between logic and poetry; between sense and love; and most of all, between the living and the dead. Edmund Burke once famously called “tradition” the “democracy of the dead.” The traditions that hold rural communities together is not the creation of the present generation, but can only be the product of generations past, generations who suffered and struggled to make it possible for the present generation to be alive at all. The fact that the founders are now dead should have no bearing on their influence over the present. If one exists through the accident of birth, than why should the accident of death be a problem? Why should mere death be a barrier to influence? What is the moral ground for such an opinion? Should the dead vote? Yes, and it’s called tradition.

There are some modern philosophers who are slowly rejecting the concept of “I” in moral theory. Such a revolutionary opinion is almost inconceivable in modern post-revolutionary times. The “I” according to Oxford’s Derrick Parfit, should be reduced to “streams of experience” that do not admit of an ontological fundament. Such a notion is common enough for agrarianism and is found in Rasputin: the idea that the “I” is not a fundament, but is part of a larger reality. The ego is sunk into the integral basis of reality, but such a basis must be rather small (physically) and be based on a determinate community of people, region and language. The separation of the “I” from its surroundings is primarily an invention of the Roman empire and Stoicism, and is so well lampooned in Chekov’s Ward No. 6 The “I” is not a fundament, the community is, the integrity of one’s surroundings is. And it is on this basis that the personification of reality makes sense. Reality is absorbed by the community and transformed its social experience. And, further, it is this that makes capitalism and democracy so vile: for they see a forest as only so much wood, or as a potential field for development. The community, however, sees it as an ontological reservoir or feelings and memories; it is an aspect of personhood. The extreme emotions that sometimes are drawn out when old, rural settlements are bulldozed over for some trivial purpose is derived from precisely this ontological reality.

There is little doubt that Rasputin is a threat, and will remain so. As a fairly young man, he has several good years ahead of him. His work is accessible, and his message is clear. His characters are powerful and his personality uncompromising. Rasputin should have the role of the Solzhenitsyn of the 21st century, only it is not the Soviet GULAG that is the target, but the modern world and its sickness; the merger of corporate capital and Soviet repression.

Home Articles Essays Interviws Poetry Miscellany Reviews Books Archives Links

samedi, 07 mars 2009

F. M. Dostojevski: "Duivels"

duivels_review

Fjodor Michailovitsj Dostojevski, ‘Duivels’ (2008)

European Friends of Russia

Cédric Raskin

Te traag, te weinig actie en te moeilijk: altijd een makkelijk excuus om in luie momenten een zware Dostojevski links te laten liggen. Niet zo met deze frisse nieuwe editie van ‘Boze geesten’. Met maar liefst dertien doden (als we goed hebben geteld) is dit verhaal zowat het bloederigste van alle Dostojevski’s. En door de universele tijdloze thematiek blijft deze roman, een van de literaire hoogtepunten van de wereldliteratuur, ook nu nog brandend actueel.

Een en ander is ook te danken aan de uitstekende vertaling van Hans Boland. Eindelijk eens een vertaler die doorheeft dat de Russen elkaar dan wel aanspreken met alle mogelijke vadersnamen en koosnaampjes, maar dat die patroniemen voor ons, Vlamingen en Nederlanders, alleen maar verwarrend overkomen. Dus heeft hij de vrijheid genomen om alle personages consequent bij dezelfde naam te noemen - met uitzondering van de pedante verfransingen om het taalgebruik van de aristocratische klasse te parodiëren -, en daar zijn wij allerminst rouwig om.

Een andere spectaculaire ingreep van Boland is dat hij ‘Boze geesten’ of ‘De demonen’ voor het eerst herdoopt tot ‘Duivels’. Helemaal geen slechte titelkeuze als je de psychologie van het hoofdpersonage Nikolai Stavrogin onder de loep houdt. Als een echte Mefistofeles is Stavrogin de duivel in eigen persoon die enkele andere anarchistische en nihilistische jongeren ophitst om de revolutie voor te bereiden en zo de rust te verstoren in een vredig doorsnee Russisch provinciestadje. Zo krijgt het kleinburgerlijke wereldje vol hypocrisie, schijn en praalzucht een flinke uppercut die op zich nog aardig uit de hand loopt…

Revolutie, daar draait het om. Als blijkt dat die enkel kan worden bereikt door terrorisme als conditio sine qua nonvan politiek extremisme, is het niet verwonderlijk dat de meest controversiële schrijver uit Rusland met ‘Duivels’ ook zijn meest controversiële roman aflevert. Dat de duivelse opstandelingen en onevenwichtige socialisten ook daadwerkelijk zijn opgestaan zo’n halve eeuw nadat Dostojevski dit in 1873 op papier zette, geeft het boek ook een opvallend hoog profetisch karakter mee en draagt dankbaar bij tot de mythe.

Maar hoewel ‘Duivels’ op het eerste gezicht vooral een politieke roman lijkt, is het religieuze en filosofische debat over het bestaan van God minstens even sterk uitgewerkt. Dostojevski’s werk wemelt van intellectuelen met psychische stoornissen en dat is ook hier weer geen uitzondering. Zo is naast Stavrogin de vurige ongelovige Kirilov ongetwijfeld een van de merkwaardigste figuren. Gekweld door de vraag of er al dan niet een God bestaat, of dat hij die God zélf is, neemt hij het zekere voor het onzekere en pleegt hij zelfmoord om volledig vrij te zijn. Ook de constante psychische tweestrijd van de crimineel Stavrogin, de chef-duivel Pjotr Verchovenski of de moordenaar Raskolnikov is ronduit geniaal. Je zou voor minder beginnen twijfelen aan de geestelijke gezondheid van Dostojevski zelf, die zo’n scherp vermogen heeft om zich in te leven in het brein van wrede moordenaars…

Wie Russische literatuur zegt, hoeft niet te rekenen op een snel tempo. De Russen hebben en nemen hun tijd. Begint het verhaal wat te vlotten, dan haalt Dostojevski het tempo al te graag onderuit door zijsprongen te maken en dieper te graven in de psyche van zijn personages. Is dat niet echt je ding, laat het boek dan nog even in de rekken rijpen. Genoot je wél van pakweg ‘De gebroeders Karamazov’, ‘Misdaad en straf’ of ‘Schuld en boete’, dan zal dit verduiveld sterke meesterwerk zeker niet misstaan in je bibliotheek.

 

vendredi, 23 janvier 2009

Zinoviev's "Homo Sovieticus": Communism as Social Entropy

ZinovievNNN.jpg

Zinoviev’s “Homo Sovieticus”: Communism as Social Entropy

Tomislav Sunic

Students and observers of communism consistently encounter the same paradox: On the one hand they attempt to predict the future of communism, yet on the other they must regularly face up to a system that appears unusually static. At Academic gatherings and seminars, and in scholarly treatises, one often hears and reads that communist systems are marred by economic troubles, power sclerosis, ethnic upheavals, and that it is only a matter of time before communism disintegrates. Numerous authors and observers assert that communist systems are maintained in power by the highly secretive nomenklatura, which consists of party potentates who are intensely disliked by the entire civil society. In addition, a growing number of authors argue that with the so-called economic linkages to Western economies, communist systems will eventually sway into the orbit of liberal democracies, or change their legal structure to the point where ideological differences between liberalism and communism will become almost negligible.

The foregoing analyses and predictions about communism are flatly refuted by Alexander Zinoviev, a Russian sociologist, logician, and satirist, whose analyses of communist systems have gained remarkable popularity among European conservatives in the last several years.

According to Zinoviev, it is impossible to study communist systems without rigorous employment of appropriate methodology, training in logic, and a construction of an entirely new conceptual approach. Zinoviev contends that Western observers of communism are seriously mistaken in using social analyses and a conceptual framework appropriate for studying social phenomena in the West, but inappropriate for the analysis of communist systems. He writes:

A camel cannot exist if one places upon it the criteria of a hippopotamus. The opinion of those in the West who consider the Soviet society unstable, and who hope for its soon disintegration from within (aside that they take their desires for realities), is in part due to the fact that they place upon the phenomenon of Soviet society criteria of Western societies, which are alien to the Soviet society.

Zinoviev’s main thesis is that an average citizen living in a communist system -- whom he labels homo sovieticus -- behaves and responds to social stimuli in a similar manner to the way his Western counterpart responds to stimuli of his own social landscape. In practice this means that in communist systems the immense majority of citizens behave, live, and act in accordance with the logic of social entropy laid out by the dominating Marxist ideology. Contrary to widespread liberal beliefs, social entropy in communism is by no means a sign of the system’s terminal illness; in fact it is a positive sign that the system has developed to a social level that permits its citizenry to better cope with the elementary threats, such as wars, economic chaos, famines, or large-scale cataclysms. In short, communism is a system whose social devolution has enabled the masses of communist citizens to develop defensive mechanisms of political self-protection and indefinite biological survival. Using an example that recalls Charles Darwin and Konrad Lorenz, Zinoviev notes that less-developed species often adapt to their habitat better than species with more intricate biological and behavioral capacities. On the evolutionary tree, writes Zinoviev, rats and bugs appear more fragile than, for example, monkeys or dinosaurs, yet in terms of biological survivability, bugs and rats have demonstrated and astounding degree of adaptability to an endlessly changing and threatening environment. The fundamental mistake of liberal observers of communism is to equate political efficiency with political stability. There are political stability. There are political systems that are efficient, but are at the same time politically unstable; and conversely, there are systems which resilient to external threats. To illustrate the stability of communist systems, Zinoviev writes:

A social system whose organization is dominated by entropic principles possesses a high level od stability. Communist society is indeed such a type of association of millions of people in a common whole in which more secure survival, for a more comfortable course of life, and for a favorable position of success.

Zinoviev notes that to “believe in communism” by no means implies only the adherence to the ruling communist elite of the unquestionable acceptance of the communist credo. The belief in communism presupposes first and foremost a peculiar mental attitude whose historical realization has been made possible as a result of primordial egalitarian impulses congenial to all human beings. Throughout man’s biocultural evolution, egalitarian impulses have been held in check by cultural endeavors and civilizational constraints, yet with the advent of mass democracies, resistance to these impulses has become much more difficult. Here is how Zinoviev sees communism:

Civilization is effort; communality is taking the line if least resistance. Communism is the unruly conduct of nature’s elemental forces; civilization sets them rational bounds.

It is for this reason that it is the greatest mistake to think that communism deceives the masses or uses force on them. As the flower and crowning glory of communality, communism represents a type of society which is nearest and dearest to the masses no matter how dreadful the potential consequences for them might be.

Zinoviev refutes the widespread belief that communist power is vested only among party officials, or the so-called nomenklatura. As dismal as the reality of communism is, the system must be understood as a way of life shared by millions of government official, workers, and countless ordinary people scattered in their basic working units, whose chief function is to operate as protective pillars of the society. Crucial to the stability of the communist system is the blending of the party and the people into one whole, and as Zinoviev observes, “the Soviet saying the party and the people are one and the same, is not just a propagandistic password.” The Communist Party is only the repository of an ideology whose purpose is not only to further the objectives of the party members, but primarily to serve as the operating philosophical principle governing social conduct. Zinoviev remarks that Catholicism in the earlier centuries not only served the Pope and clergy; it also provided a pattern of social behavior countless individuals irrespective of their personal feelings toward Christian dogma. Contrary to the assumption of liberal theorists, in communist societies the cleavage between the people and the party is almost nonexistent since rank-and-file party members are recruited from all walks of life and not just from one specific social stratum. To speculate therefore about a hypothetical line that divides the rulers from the ruled, writes Zinoviev in his usual paradoxical tone, is like comparing how “a disemboweled and carved out animal, destined for gastronomic purposes, differs from its original biological whole.”

Admittedly, continues Zinoviev, per capita income is three to four times lower than in capitalist democracies, and as the daily drudgery and bleakness of communist life indicates, life under communism falls well short of the promised paradise. Yet, does this necessarily indicate that the overall quality in a communist society is inferior to that in Western countries? If one considers that an average worker in a communist system puts in three to four hours to his work (for which he usually never gets reprimanded, let alone fears losing his job), then his earnings make the equivalent of the earnings of a worker in a capitalist democracy. Stated in Marxist terminology, a worker in a communist system is not economically exploited but instead “takes the liberty” of allocating to himself the full surplus value of his labor which the state is unable to allocate to him. Hence this popular joke, so firmly entrenched in communist countries, which vividly explains the longevity of the communist way of life: “Nobody can pay me less than as little as I can work.”

Zinoviev dismisses the liberal reductionist perception of economics, which is based on the premise that the validity or efficiency of a country is best revieled by it high economic output or workers’ standard of living. In describing the economics of the Soviet Union, he observes that “the economy in the Soviet Union continues to thrive, regardless of the smart analyses and prognoses of the Western experts, and is in fact in the process of becoming stronger.” The endless liberal speculations about the future of communism, as well as the frequent evaluations about whether capitalist y resulted in patent failures. The more communism changes the more in fact it remains the same. Yet, despite its visible shortcomings, the communist ideal will likely continue to flourish precisely because it successfully projects the popular demand for security and predictability. By contrast, the fundamental weakness of liberal systems is that they have introduced the principles of security and predictability only theoretically and legally, but for reasons of economic efficiency, have so far been unable to put them into practice. For Claude Polin, a French author whose analyses of communist totalitarianism closely parallel Zinoviev’s views, the very economic inefficiency of communism paradoxically, “provides much more chances to [sic] success for a much larger number of individuals than a system founded on competition and reward of talents.” Communism, in short, liberates each individual from all social effort and responsibility, and its internal stasis only reinforces its awesome political stability.

TERROR AS THE METAPHOR
For Zinoviev, communist terror essentially operates according to the laws of dispersed communalism; that is, though the decentralization of power into the myriad of workers’ collectives. As the fundamental linchpins of communism, these collectives carry out not only coercive but also remunerative measures on behalf of and against their members. Upon joining a collective, each person becomes a transparent being who is closely scrutinized by his coworkers, yet at the same time enjoys absolute protection in cases of professional mistakes, absenteeism, shoddy work, and so forth. In such a system it is not only impossible but also counterproductive to contemplate a coup or a riot because the power of collectives is so pervasive that any attempted dissent is likely to hurt the dissenter more than his collective. Seen on the systemic level, Communist terror, therefore, does not emanate from one central source, but from a multitude of centers from the bottom to the top of society, whose foundations, in additions to myriad of collectives, are made up of “basic units,” brigades, or pioneer organizations. If perchance an individual or a group of people succeeds in destroying one center of power, new centers of power will automatically emerge. In this sense, the notion of “democratic centralism,” derided by many liberal observers as just another verbal gimmick of the communist meta-language, signifies a genuine example of egalitarian democracy -- a democracy in which power derives not from the party but from the people. Zinoviev notes:

Even if you wipe out half the population, the first thing that will be restored in the remaining half will be the system of power and administration. There, power is not organized to serve the population: the population is organized as a material required for the functioning of power.

Consequently, it does not appear likely that communism can ever be “improved,” at least not as Westerners understand improvement, because moral, political, and economic corruption of communism is literally spread throughout all pores of the society, and is in fact encouraged by the party elite on a day-to-day basis. The corruption among workers that takes the form of absenteeism, moonlighting, and low output goes hand in hand with corruption and licentiousness of party elite, so that the corruption of the one justifies and legitimatizes the corruption of the others. That communism is a system of collective irresponsibility is indeed not just an empty saying.

IN THE LAND OF THE “WOODEN LANGUAGE”
The corruption of language in communist societies is a phenomenon that until recently has not been sufficiently explored. According to an elaborate communist meta-language that Marxist dialecticians have skillfully developed over the last hundred years, dissidents and political opponents do not fall into the category of “martyrs,” or “freedom fighters” -- terms usually applied to them by Western well-wishers, yet terms are meaningless in the communist vernacular. Not only for the party elite, but for the overwhelming majority of people, dissidents are primarily traitors of democracy, occasionally branded as “fascist agents” or proverbial “CIA spies.” In any case, as Zinoviev indicates, the number of dissidents is constantly dwindling, while the number of their detractors is growing to astounding proportions. Moreover, the process of expatriation of dissidents is basically just one additional effort to dispose of undesirable elements, and thereby secure a total social consensus.

for the masses of citizens, long accustomed to a system circumventing al political “taboo themes,” the very utterance of the word dissident creates the feeling of insecurity and unpredictability. Consequently, before dissidents turn into targets of official ostracism and legal prosecution, most people, including their family members, will often go to great lengths to disavow them. Moreover, given the omnipotent and transparent character of collectives and distorted semantics, potential dissidents cannot have a lasting impact of society. After all, who wants to be associated with somebody who in the popular jargon is a nuisance to social peace and who threatens the already precarious socioeconomic situation of a system that has only recently emerged from the long darkness of terror? Of course, in order to appear democratic the communist media will often encourage spurious criticism of the domestic bureaucracy, economic shortages, or rampant mismanagement, but any serious attempt to question the tenets of economic determinism and the Marxist vulgate will quickly be met with repression. In a society premised on social and psychological transparency, only when things get out of hand, that is, when collectives are no longer capable of bringing a dissident to “his senses,” -- which at any rate is nowadays a relatively rare occurrence -- the police step in. Hence, the phenomenon of citizens’ self-surveillance, so typical of all communist societies, largely explains the stability of the system.

In conclusion, the complexity of the communist enigma remains awesome, despite some valid insights by sovietologists and other related scholars. In fact, one reason why the study of communist society is still embryonic may be ascribed to the constant proliferation of sovietologists, experts, and observers, who seldom shared a unanimous view of the communist phenomenon. Their true expertise, it appears, is not the analysis of the Soviet Union, but rather how to refute each other’s expertise on the Soviet Union. The merit of Zinoviev’s implacable logic is that the abundance of false diagnoses and prognoses of communism results in part from liberal’s own unwillingness to combat social entropy and egalitarian obsession on their own soil and within their own ranks. If liberal systems are truly interested in containing communism, they must first reexamine their own egalitarian premises and protocommunist appetites.

What causes communism? Why does communism still appear so attractive (albeit in constantly new derivatives) despite its obvious empirical bankruptcy? Why cannot purportedly democratic liberalism come to terms with its ideological opponents despite visible economic advantages? Probably on should first examine the dynamics of all egalitarian and economic beliefs and doctrines, including those of liberalism, before one starts criticizing the gulags and psychiatric hospitals.

Zinoviev rejects the notion that the Soviet of total political consolidation that can now freely permit all kinds of liberal experiments. After all, what threatens communism?

Regardless of what the future holds for communist societies, one must agree with Zinoviev that the much-vaunted affluence of the West is not necessarily a sign of Western stability. The constant reference to affluence as the sole criterion for judging political systems does not often seem persuasive. The received wisdom among (American) conservatives is that the United States must outgun or out spend the Soviet Union to convince the Soviets that capitalism is a superior system. Conservatives and others believe that with this show of affluence, Soviet leaders will gradually come to the conclusion that their systems is obsolete. Yet in the process of competition, liberal democracies may ignore other problems. If one settles for the platitude that the Soviet society is economically bankrupt, then one must also acknowledge that the United States is the world’s largest debtor and that another crash on Wall Street may well lead to the further appeal of various socialistic and pseudosocialist beliefs. Liberal society, despite its material advantages, constantly depends on its “self-evident” economic miracles. Such a society, particularly when it seeks peace at any price, may some day realize that there is also an impossibly high price to pay in order to preserve it.

[The World and I   (Washington Times Co.), June, 1989]

Mr. Sunic, a former US professor and a former Croat diplomat, holds a Ph.D. in political science. He is the author of several books. He currently resides in Europe.

http://doctorsunic.netfirms.com

samedi, 29 novembre 2008

Citaat van Dostojevski

dostoievski-02.jpg
Citaat van Dostojevski

“’Om de wereld te hervormen moeten de mensen zelf psychisch een andere weg inslaan. Wanneer je zelf ook niet echt ieders broeder wordt, dan zal de broederschap niet aanbreken. […] Iedereen zal vinden dat hij te weinig heeft, mopperen, afgunstig zijn en de anderen naar het leven staan. U vraagt wanneer dat werkelijkheid zal worden. Dat zal werkelijkheid worden, maar eerst moeten we door een periode van menselijke vereenzaming heen’. ‘Wat voor vereenzaming’, vraag ik hem. ‘De vereenzaming die nu overal heerst, vooral in onze eeuw, maar ze is nog niet helemaal definitief, nog is haar tijd niet gekomen. Want een ieder streeft er nu naar zijn persoon zo mogelijk af te scheiden, een ieder wil in zichzelf de volheid van het leven ervaren, maar intussen leiden al zijn inspanningen in de verste verte niet tot de volheid des levens, maar tot regelrechte zelfmoord, want in plaats van te komen tot volheid van inzicht in het eigen wezen geraken zij slechts volledig vereenzaamd. In onze tijd zijn allen namelijk verdeeld in individuen, ieder zondert zich af in zijn hol, ieder mijdt de ander, houdt zich schuil, verbergt zelfs wat hij heeft en eindigt ermee dat hij door de mensen verstoten wordt en zelf de mensen verstoot. In eenzaamheid vergaart hij rijkdom en denkt: nu ben ik sterk en onafhankelijk, maar de dwaas weet niet dat hoe meer rijkdom hij vergaart, des te dieper hij wegzinkt in zelfvernietigende onmacht. Want hij is gewoon geraakt om alleen zichzelf te vertrouwen en zichzelf als een individu van het geheel af te scheiden, hij heeft zijn ziel aangeleerd niet te geloven in menselijke hulp, de mensen en de mensheid, hij siddert enkel bij de gedachte dat hij zijn geld en zijn verworven rechten kan kwijtraken.’”

(DOSTOJEVSKI, Fiodor M., De broers Karamazov, G.A. van Oorschot, Amsterdam, 2005, 369)

samedi, 15 novembre 2008

Le nationalisme russe contre les idées de 1789

428pxpyotrstolypinloc07je9.jpg

 

 

Soljénitsyne, Stolypine:le nationalisme russe contre les idées de 1789

 

Wolfgang STRAUSS

 

Soljénitsyne a réalisé son rêve: être lu par ses compatriotes. En juillet 1989, Alexandre Soljénitsyne déclare à un journaliste du Time-Magazine:  «Je ne doute pas que mon roman historique La Roue rouge  sera un jour édité dans son entièreté en Union Soviétique». Et quand l'auteur du Pavillon des Cancéreux  dit “dans son entièreté”, cela signifie avec le troisième tome de la trilogie, intitulé Mars 1917.  Soljénitsyne n'avait pas répondu aux journalistes depuis des années, arguant que son devoir pre­mier était d'achever son œuvre littéraire. La raison qui l'a poussé à rompre le silence réside dans un chapitre complémen­taire, épais de 300 pages, décrivant le “jacobin Lénine” comme “un homme d'une incroyable méchanceté, dépourvu de toute humanité”. Lénine serait ainsi un Robespierre ou un Saint-Just russe, qui aurait précipité son peuple et son pays dans le dé­nuement le plus profond, dans une tragédie sans précédent, car Lénine aurait haï sans limites tout ce qui touchait à la Russie.

 

Lénine voulait détruire l'identité russe. Ce “terroriste génial” était tout à la fois le tentateur et le destructeur de la Russie. «Je suis un patriote», écrit aujourd'hui celui qui démasque Lénine et révèle sa folie. «J'aime ma patrie qui est malade depuis 70 ans, détruite, au bord de la mort. Je veux que ma Russie revienne à nouveau à la vie».

 

Stolypine haï par les libéraux et les “Cadets”

 

Pour Soljénitsyne, l'anti-Lénine était Piotr Stolypine (1862-1911). Après la révolution de 1905, ce conservateur non inféodé à un parti, cet expert agricole, devient tout à la fois ministre de l'intérieur et premier ministre. En engageant la police à fond, en créant des tribunaux d'exception, en dressant des gibets, en bannissant les récalcitrants, il met un terme à la terreur des anar­chistes, des sociaux-révolutionnaires et des bolcheviques; dans la foulée, il introduit les droits civils et jette les bases d'une monarchie constitutionnelle. Son principal mérite consiste en une réforme agraire radicale visant à remplacer le “mir” (c'est-à-dire la possession collective du village), tombé en désuétude, par une large couche de paysans indépendants et efficaces, générant un marché des biens agricoles: Stolypine avait voulu résoudre ainsi la question paysanne par des moyens pacifiques, grâce à une révolution d'en haut. Mais ce réformateur russe refusait d'introduire en Russie le démocratisme à la mode occi­dentale, pour des raisons d'ordre spirituel et moral. Stolypine, en effet, était un adversaire philosophique des idées de 1789. En cela, il s'attira la haine des libéraux de gauche, qu'on appelait alors les “Cadets” en Russie, des sociaux-démocrates et des marxistes, c'est-à-dire la haine de toute la fraction “progressiste” de la Douma. Le 18 septembre 1911, il meurt victime d'un attentat perpétré contre lui dans l'opéra de Kiev, sous les balles du revolver d'un étudiant anarchiste, Mordekhaï Bogrov, qui était aussi un indicateur de la police.

 

Réhabilitation de Stolypine par la Pravda

 

Six ans après la rédaction du chapitre consacré à Stolypine dans Août 1914, le parti communiste opère un revirement sensa­tionnel en ce qui concerne Stolypine. Depuis 1917, le nom de Stolypine avait été maudit par les bolcheviques qui en avaient fait l'exemple paradigmatique de l'homme d'Etat mu par la haine des socialistes et des marxistes et pariant sur la terreur poli­cière et sur l'oppression du peuple.

 

Cette caricature de Stolypine n'a plus cours désormais. Le 3 août 1989, la Pravda  annonçait sa réhabilitation. Le maudit d'hier devenait un réformateur politique sans peur ni reproche, l'ancêtre direct de la perestroïka! Il est enfin temps, expliquait l'organe du parti, de “rendre justice historiquement” à ce Russe qui aurait pu, par sa réforme agraire, donner vie à des fermes auto­nomes, économiquement saines et viables. Peu de temps auparavant, la Literatournaïa Gazeta  avait publié un entretien avec le fils de Stolypine, qui vit à Paris, tandis que le journal Literatournaïa Rossiya  annonçait la publication d'une courte biographie du ministre et réformateur tsariste. Ce revirement aurait-il été possible sans Soljénitsyne?

 

Un programme non encore réalisé

 

Ce formidable chapitre d'Août 1914,  consacré à Stolypine, n'a pas qu'une valeur purement littéraire, c'est une leçon doctri­nale, où se reflète toute l'idéologie de Soljénitsyne, tout son projet d'ordre nouveau. Soljénitsyne parle d'une “réforme histo­rique”, glorifie le “plan global et complet [de Stolypine] pour modifier de fond en comble la Russie”. Suppression des bannis­sements et de la gendarmerie, mise sur pied d'une justice locale, proche des citoyens, avec des juges de paix élus, raccour­cissement des périodes de détention, constitution d'un système d'écoles professionnelles, réduction de l'impôt pour les per­sonnes sans trop de ressources, diminution du temps de travail, interdiction du travail de nuit pour les femmes et les enfants, introduction du droit de grève et autonomisation des syndicats, sécurité sociale étatisée pour les personnes incapables de tra­vailler, les malades, les invalides, les vieillards: c'était bel et bien la perestroïka d'un conservateur révolutionnaire inacces­sible à la corruption, ascétique, dont les idées sont toujours actuelles, et qui n'ont pas été réalisées dans l'Etat des bolche­viques, où n'a régné que la pauvreté, n'a dominé que l'appareil policier et dans lequel, finalement, nous avions une version moderne, étatisée et centralisée du servage et/ou du despotisme asiatique. Soljénitsyne écrit à ce propos: «Il semble que pen­dant toute la durée du 20ième siècle, rien de tout cela n'a été réalisé dans notre pays, et c'est pour cela que ces plans ne sont pas encore dépassés».

 

Mais en quoi consistait la philosophie réformiste de Stolypine? Qu'est ce qui distinguait ce modernisateur et ce monarchiste des adeptes idolâtres des Lumières occidentales, c'est-à-dire l'intelligentsia de gauche? Eh bien, ce qui le distingue, c'est une autre vision de la liberté, une autre anthropologie, le refus absolu d'une solution reposant sur les “pogroms et les incendies volontaires”. Empêcher l'“effondrement de la Russie” ne pourra se faire, d'après Stolypine (et d'après Soljénitsyne!), que par une “restauration d'un ordre et d'un droit correspondant à la conscience du peuple russe”. Les thèses centrales de Stolypine sont les suivantes: «Entre l'Etat russe et l'Eglise chrétienne existe un lien vieux de plusieurs siècles. Adhérer aux principes que nous lègue l'histoire russe sera la véritable force à opposer au socialisme déraciné».

 

Des hommes solides issus du terroir

 

«Pour être viable, notre réforme doit puiser sa force dans des principes propres à la nationalité russe, c'est-à-dire en dévelop­pant l'idée et la pratique de la semstvo.  Dans les couches inférieures, des hommes solides, inébranlables, issus du terroir doivent pouvoir croître et se développer, tout en étant liés à l'Etat. Plusieurs millions d'êtres humaines en Russie appartiennent à ces couches inférieures de la population: elles sont la puissance démographique qui rendent notre pays fort... L'histoire nous enseigne, qu'en certaines circonstances, certains peuples négligent leurs devoirs nationaux, mais ces peuples-là sont destinés à sombrer dans le déclin». «Le besoin de propriété personnelle est tout aussi naturel que le sentiment de la faim, que l'instinct de conservation de l'espèce, que tout autre instinct de l'homme». «L'Etat russe s'est développé à partir de ses propres racines, et il est impossible de greffer une branche étrangère sur notre tronc russe». «La véritable liberté prend son envol sur les liber­tés citoyennes, au départ du patriotisme et du sentiment d'être citoyen d'un Etat... L'autocratie historique et la libre volonté du monarque sont les apanages précieux de la “statalité” russe, car seuls ce pouvoir absolu et cette volonté ont vocation, dans les moments de danger, où chavire l'Etat, de sauver la Russie, de la guider sur la voie de l'ordre et de la vérité historique».

 

Contre la guerre contre l'Autriche

 

Quant à Soljénitsyne, il écrit: «Pour nous, la guerre signifierait la défaite et surtout la révolution. Cet aveu pouvait en soi susci­ter bien de l'amertume, mais il était moins dur à formuler pour un homme qui, dès le départ, n'a pas eu la moindre intention de faire la guerre et ne s'est jamais enthousiasmé pour le messianisme panslaviste. Egratigner légèrement la fierté nationale russe n'est rien, finalement, quand on étudie le gigantesque programme de rénovation intérieure que proposait Soljénitsyne pour sauver la Russie. Stolypine ne pouvait pas exprimer ses arguments ouvertement, mais il a pu faire changer l'avis du Tsar, qui venait de se décider à mobiliser contre l'Autriche: une guerre avec Vienne aurait entraîné une guerre avec l'Allemagne et mis la dynastie en danger (Ce jour-là, Stolypine a dit dans son cercle familial restreint: “Aujourd'hui, j'ai sauvé la Russie!”). Dans des conversations personnelles, il se plaignait des chefs de la majorité militante de la Douma. Les Cadets voulaient la guerre et le hurlaient sans retenue (tant qu'ils ne devaient pas mettre leur propre peau en jeu!)».

 

Plus de “Février” libéral!

 

Tout comme cet assassiné, cet homme qui a connu l'échec de sa réforme agraire radicale, qui n'a pas pu humaniser socia­lement la majorité du peuple, —ce qu'il considérait comme le devoir de son existence sur les plans moral, religieux, national et spirituel—, l'ancien officier d'artillerie Soljénitsyne a décidé de s'engager pour son peuple asservi en cherchant à l'éduquer politiquement, à lui redonner une éthique nationale, à préparer sa renaissance. S'il vivait aujourd'hui en URSS, s'il était revenu d'exil, il ne trouverait pas sa place dans les partis d'opposition “radicaux de gauche” de Boris Eltsine, dont les partisans sou­haitent l'avènement d'une sociale-démocratie. L'histoire russe serait-elle condamnée à errer d'un février libéral-démocrate à un octobre bolchevique puis à retourner à un février, tenu par ceux-là même qui avaient failli jadis devant les léninistes? C'est contre cette éventualité d'un retour à la sociale-démocratie que Soljénitsyne lance ses admonestations. Jamais de second fé­vrier!

 

Soljénitsyne voit dans le communisme  —dont il considère les variantes “réformistes” comme un mal—  un avatar abomi­nable de l'“humanisme rationaliste” des Lumières, comme le produit d'une “conscience a-religieuse”. Il a été imposé à la Russie par l'Occident, avec l'aide d'“étrangers”, alors qu'il n'avait aucun terreau pour croître là-bas. «Le peuple russe est la première victime du communisme». Pour Soljénitsyne donc, le communisme est l'enfant légitime de l'“humanisme athée”, un phénomène fondamentalement étranger à la russéité, un traumatisme qui doit être dépassé, donc annihilé (“au cours d'une ré­volution sans effusion de sang”). Avec des arguments tout aussi tranchés, Soljénitsyne condamne à l'avance toute restauration du système des partis, comme celui que les mencheviks avaient installé en février 1917. Il considère que la démocratie parti­tocratique est une forme étatique spécifiquement occidentale, est le fondement du mode de vie occidental né dans le giron de l'idéologie des Lumières.

 

Sakharov, Eltsine: nouveaux “Cadets”

 

La querelle entre slavophiles et occidentalistes a repris de plus belle. Andreï Sakharov, tête pensante de la fraction d'Eltsine au congrès des députés, plaide pour une convergence entre l'Est et l'Ouest, entre le capitalisme libéral et le “capitalisme mono­polistique d'Etat”, pour un rapprochement entre les systèmes, qui ont des racines idéologiques communes: celles des Lumières. Les “radicaux de gauche” déclarent ouvertement aujourd'hui qu'ils veulent réintroduire le système pluripartite du modèle occidental.

 

Il y a six ans pourtant, Soljénitsyne avait rétorqué que c'était plutôt l'Occident décadent qui avait besoin d'être sauvé: «C'est presque tragi-comique de constater comment nos pluralistes, c'est-à-dire nos dissidents démocrates, soumettent à l'approbation bienveillante de l'Occident leurs plaintes et leurs espoirs, sans voir que l'Occident lui-même est à deux doigts de son déclin définitif et n'est même plus capable de s'en prévenir».

 

Dés-humanisation sous le masque de la “liberté”

 

C'est en faveur de tout gouvernement “qui se donnera pour devoir de garantir l'héritage historique de la Russie” (Stolypine), et se montrera conscient de cette mission, que Soljénitsyne prend position dans les débats à venir. Il a résolument rompu les ponts, tant sur le plan intellectuel que sur le plan historique, avec ce processus de dés-humanisation qui a avancé sous le signe d'une “liberté” qui n'est que liberté de faire le mal, d'écraser son prochain, de se pousser en avant sans tenir compte d'aucune forme de communauté ou de solidarité.

 

«L'“humanité” comme internationalisme humanitaire, la “raison” et la “vertu” comme fondements d'une république extrême, l'esprit réduit à de purs discours creux virevoltant entre les clubs jacobins et les loges du Grand Orient, l'art réduit à un pur jeu sociétaire ou à une rhétorique dissolvante, hargneuse, au service de la “faisabilité sociale”: tels sont les ingrédients de ce nou­veau pathos sans racines, de cette nouvelle politique “illuministe” à l'état pur...».

 

Cette dernière phrase pourrait être de Soljénitsyne, mais elle a été écrite par Thomas Mann en 1914. “Que penses-tu de la ré­volution française?”. Question banale mais qui révèle toujours les positions politiques de celui qui y répond, surtout en cette année du bicentenaire. Le Russe Soljénitsyne y répond et donne par là même, à son propre peuple et à l'humanité toute en­tière, une réponse tout-à-fait dépourvue d'ambigüités.

 

Wolfgang STRAUSS.

(texte tiré de Criticón, n°115, sept.-oct. 1989; trad. franç.: Robert Steuckers).

 

mercredi, 12 novembre 2008

Février 1917 dans "La Roue Rouge" de Soljénitsyne

Soljenit01.jpg

 

 

Février 1917 dans «La Roue Rouge»

de Soljénitsyne

 

Wolfgang STRAUSS

 

Un jeudi, il y a 79 ans, le 23 février du calendrier julien, la roue de la révolution s'est mise à tourner à Petrograd. La première partie du récit de Soljénitsyne, intitulé «Mars 1917» (dans sa version définitive, ce récit compte quatre parties), raconte les événements qui se sont déroulés entre les 8 et 12 mars 1917. Ces cinq jours n'ont pas ébranlé le monde, seulement la ville de Petrograd, site du roman de Soljénitsyne. Une grève spontanée des ouvrières du textile éclate le jour de la fête internationale des femmes; le manque de pain noir (il y a suffisamment de pain blanc) provoque des meetings où affluent non seulement des “gamins de rue” et toute une “plèbe”, mais aussi un “public de notables”. Les unités de réserve des régiments de la Garde, chargé de mater cette révolte, refusent d'obéir aux ordres. Les dragons et les cosaques du Don nettoient alors la Perspective Nevski, mais en gardant leurs lances hautes, sans charger sabre au clair. Pour la première fois dans l'histoire du tsarisme, une confrontation entre l'armée et le peuple ne se termine pas dans un bain de sang. Le soir du 12 mars, un lundi, tout Petrograd est aux mains des révoltés. Personne ne parle encore de révolution.

 

Le 8 mars, quand les premières réserves de pain sont pillées, la Tsarine Alexandra écrit à son mari: «Olga et Alexis ont la rougeole. Bébé tousse fort... Les deux enfants reposent dans des chambres occultées. Nous mangons dans la chambre rouge... Ah, mon chéri, comme c'est triste d'être sans toi  — comme je me sens seule, comme j'ai soif de ton amour, de tes baisers, mon cher trésor, je ne cesse de penser à toi. Prend ta petite croix quand tu dois prendre de graves décisions, elle t'aidera». Quelques jours plus tôt, la Tsarine, issue de la maison des grands-ducs de Hesse-Darmstadt, avait envoyé des conseils à son impérial époux: «Reste ferme, montre que tu as de la poigne. Les Russes en ont besoin. Tu n'as jamais man­qué une occasion de prouver ta bonté et ton amour, montre-leur maintenant ta poigne. Eux-mêmes le demandent. Récemment beaucoup sont venus me le dire: “Nous avons besoin du knout!”. Ce genre d'encouragement est rare, mais la nature slave est ainsi faite: la plus grande fermeté, même la dureté et un amour chaleureux. Ils doivent apprendre à te craindre - l'amour seul est insuffisant...».

 

Nicolas II tremble “en sentant anticipativement le malheur qui va s'abattre sur son pays, en pressentant les misères qui s'approchent”. «Le knout? Ce serait affreux. On ne peut ni l'imaginer ni le dire. Il ne faut pas lever la main pour frapper... Mais, oui, il faut être ferme. Montrer une forte poigne  -  oui, il le faut, enfin». Le Tsar change de ministres et les membres de son conseil d'Etat, ne rate plus un seul office religieux et n'oublie pas de jeûner, songe à dissoudre la Douma pour ne la convoquer qu'à la fin de l'année 1917. «Mais aussitôt après, l'Empereur est à nouveau tenaillé par le doute, comme d'habitude, un doute qui le paralyse: est-il bien nécessaire, d'aller aussi loin? Est-il bien utile de risquer une explosion? Ne vaudrait-il pas mieux choisir l'apaisement, laisser libre cours aux choses et ne pas porter attention aux coqs qui veulent le conflit? Une révolution? C'est là un bavardage vide de sens. Pas un Russe ne planifiera une révolution au beau milieu d'une guerre... au fond de leur âme tous les Russes aiment la Russie. Et l'armée de terre est fidèle à son Empereur. Il n'y a pas de danger réel». Ces ré­flexions ont été émises quelques jours avant le jeudi 8 mars. Quand le révolte de la foule éclate, le Tsar ne comprend pas. Jamais il n'a appris à avoir de l'énergie, de l'esprit de décision, de la confiance en soi, du sang froid.

 

Le 8 mars pourtant n'était pas fatum, explique Soljénitsyne, mais seulement un avertissement. L'histoire n'avait pas encore atteint un point de non-retour, elle ne venait que de lancer un défi. Constamment, cet autocrate n'avait eu sous les yeux que de mauvais exemples, auquel on le comparait: à son père Alexandre III qui avait freiné les réformes initiées par Alexandre II, le «libérateur des paysans», puis les avait annulées, tout en renforçant l'autocratie par des mesures policières brutales. A son arrière-grand-père Nicolas I que l'on avait surnommé le “gendarme de l'Europe” et que les paysans et les bourgeois appe­laient, en le maudisant, “Nicolaï Palkine”, c'est-à-dire “Nicolas le Gourdin”. Hélas Nicolas II avait refoulé un autre exemple, l'avait chassé de son esprit: Piotr Stolypine, l'autre “libérateur des paysans”, le vrai. Il fut le plus grands de tous les réforma­teurs sociaux, de tous les rénovateurs de l'Etat, dans l'histoire russe. Il avait réussi à extirper le terrorisme, il avait liquidé la révolution de 1905 et il avait fondé la monarchie constitutionnelle, assortie des droits de l'homme et de libertés ouvrières. En septembre 1911 il est assassiné à l'âge de 49 ans en plein opéra de Kiev, abattu par l'anarchiste et espion de la police Mordekhaï Bogrov. Non, cet homme remarquable que fut Stolypine, n'aurait pas apprécié les hésitations. La fermeté et l'art de réaliser des compromis, dresser des gibets et concrétiser l'émancipation, comme le faisait Stolypine, Nicolas II n'en était pas capable. Soljénitsyne ne laisse planer aucun doute: si Stolypine avait été Premier Ministre ce jeudi-là, quand la foule s'est ré­voltée, la révolution de février et la révolution léniniste d'octobre n'auraient pas eu lieu. L'histoire ne se fait pas, ce sont les rudes, les durs, les décidés qui la poussent en avant, qui la façonnent, la corrigent et la guident.

 

Le fossoyeur de la dynastie des Romanov, ce n'est pas le pauvre Nicolas II, explique Soljénitsyne, les responsables, ce sont les incapables et les corrompus: les généraux, les ministres, les grands serviteurs de l'Etat, les parlementaires, et non pas les révolutionnaires radicaux qui vivaient exilés ou bannis (car le 8 mars a surpris les permanents des partis anti-tsaristes en place à Petrograd). Les véritables coupables sont, d'après Soljénitsyne, les libéraux de gauche qui répandaient haine et nihi­lisme, en s'agitant dans la Douma, dans les médias, dans la “société éclairées”; à leur tête, les “démocrates constitutionnels” (les “Cadets”), avec leur “bloc progressiste” sur les bancs de la Douma. Ceux qui entreront comme les bourreaux de la Russie en ce siècle, ce ne sont pas les bolcheviques, mais les libéraux.

 

Soljénitsyne est resté fidèle à ses idées, depuis son discours de Harvard jusqu'au chapitre consacré à Stolypine dans Août 1914. Les 764 pages de son roman constituent une accusation très actuelle: le Sage du Vermont se dresse contre un spectre bien réel, qui surgit de la tombe des Cadets. Sociale-démocratie ou libéralisme? C'est l'alternative que suggèraient les parti­sans d'Eltsine en 1990-91. Mais il n'y a pas qu'un seul nouveau parti des “Cadets”. Du ventre de ce monstre que fut le PCUS, aujourd'hui paralysé, en agonie, jaillissent des parasites politiques, qui se font concurrence, en espérant provoquer une “nouvelle révolution de février”. Un système pluripartite selon le modèle libéral-capitaliste est vendu aux foules russes comme la panacée, l'ordre nouveau paradisiaque du XXIième siècle. Des “plates-formes démocratiques” aux “communistes démocrates”, de “Russie démocratique” à l'“Association sociale-démocrate”, tous ces nouveaux “Cadets” veulent un retour à février 1917. Mais, pour Soljénitsyne, cela signifie un retour au point de départ de la grande catastrophe russe de ce siècle, un retour pour recommencer l'horreur.

 

Mais cette volonté de revenir à février 1917 ne correspond par à la volonté de tout le peuple russe. L'appel au retour de Soljénitsyne indique qu'une partie de l'opinion russe ne souhaite pas qu'un second 8 mars se produise. Mais Soljénitsyne est déjà revenu en Russie: ses ouvrages n'y sont plus interdits. «Ce solitaire qui appelle à la réconciliation nationale, au repentir, est sans doute le seul qui puisse apaiser les passions», pense Alla Latynina, la plus célèbre des critiques littéraires russes d'aujourd'hui. Son retour implique aussi un retour à la prise de position directe, assurait en janvier 1990 Vadim Borissov, un connaisseur de l'œuvre de Soljénitsyne, collaborateur de la revue Novy Mir. En effet, Soljénitsyne prendra position face aux tentatives des néo-Cadets qui veulent imposer à la Russie en effervescence un régime libéral-socialiste, soit un système de valeur hostile par essence à la Russie. C'est d'ores et déjà ce qui transparait clairement dans son dernier livre.

 

Wolfgang STRAUSS.

(recension parue dans Criticón, n°118, mars-avril 1990; trad. franç.: Robert Steuckers; à cette époque Strauss fondait encore quelque espoir en Eltsine; depuis que celui-ci a pris une orientation nettement néo-cadette, en livrant la Russie corps et âme au libéralisme le plus outrancier, Strauss est devenu un critique acerbe du régime eltsinien).

jeudi, 21 août 2008

Le grand bouleau est tombé... Hommage à A. Soljénitsyne

118019141_resize_crop320par220.jpg

“De Brave Hendrik” /  ’t Pallieterke:

Le grand bouleau est tombé...

Hommage à Alexandre Soljénitsyne (1918-2008)

Le bouleau est un type d’arbre à l’écorce blanche argentée, dont le bois est fort clair et très dur. En Sibérie et dans de nombreuses régions de l’immense plaine russe, avec ses marécages gelés et enneigés, cet arbre est familier, appartient au paysage. La barbe et les cheveux gris de Soljénitsyne, écrivain, chrétien orthodoxe que Staline n’était pas parvenu à éliminer, rappelaient, depuis quelques années déjà, les couleurs de cet arbre si emblématique, qui jaillit partout de la terre russe.

Sa vie connut un premier bouleversement en 1945, lorsque, dans une lettre à un camarade, il décrit “l’homme à la moustache” (= Staline) comme incompétent sur le plan militaire. Soljénitsyne était alors en Prusse orientale et participait aux combats pour prendre la ville de Königsberg (que l’on appelle aujourd’hui Kaliningrad, dans l’enclave russe sur les rives de la Baltique). Il est arrêté: une routine sous la terreur soviétique de l’époque. Il ne sera libéré que huit ans plus tard, en 1953, à l’époque où la paranoïa du dictateur atteignait des proportions à peine imaginables, tandis que sa santé diminuait à vue d’oeil. Staline ne voyait alors dans son entourage que complots juifs ou américains; de 1953 à 1956, Soljénitsyne, professeur de mathématiques de son état, réside, libre mais banni, au Kazakhstan. En 1956, on le réhabilite et en 1962, il amorce véritablement sa carrière d’écrivain en publiant dans la revue “Novi Mir” une nouvelle, “Une journée dans la vie d’Ivan Denissovitch”. Mais c’est en 1968 que ce dissident acquiert la  notoriété internationale, à cinquante ans, quand sortent de presse “Le pavillon des cancéreux” et “Le premier cercle”; il a réussi à faire passer clandestinement ses manuscrits à l’étranger; rapidement, ils sont connus dans le monde entier, par des traductions qui révèlent l’atrocité de son vécu de bagnard dans l’Archipel du goulag. En 1970, il est le deuxième Russe (le premier fut Ivan Bounine) à recevoir le Prix Nobel de littérature.

Celui qui veut comprendre et apprendre un maximum de choses sur la littérature russe dans l’espace linguistique néerlandophone, doit lire les écrits du grand slaviste Karel van het Reve (1921-1999), car celui-ci, mieux que quiconque, a pu, dans ses nombreux livres et essais, décrypter les mystères russes. Mais sa “Geschiedenis van de Russissche literatuur” (1) s’arrête malheureusement à Anton Tchekhov. Pour mieux comprendre la dissidence et l’intelligentsia russes, il me paraît toutefois utile de relire les travaux de ce slaviste, dont les titres sont éloquents: “Met twee potten pindakaas naar Moskou” (1970; “Avec deux pots de crème de cacahouète à Moscou”), “Lenin heeft echt bestaan” (1972; “Lénine a vraiment existé”) et “Freud, Stalin en Dostojevski” (1982; “Freud, Staline et Dostoïevski”). Dans un ouvrage posthume, paru en 2003, et intitulé “Ik heb nooit iets gelezen” (= “Je n’ai jamais rien lu”), ce grand connaisseur de la Russie, au regard froid et objectif mais néanmoins très original, émet force assertions qui témoignent de sa connaissance profonde des lettres russes. De son essai “De ondergang van het morgenland” (1990; “Le déclin de l’Orient”), je ne glanerai qu’une seule et unique phrase: “Selon le régime, en 1917, c’est la classe ouvrière, que l’on appelle également le prolétariat, qui est arrivée au pouvoir, alliée, comme on le prétend officiellement, aux paysans. C’est là une déclaration dont nous n’avons pas à nous préoccuper, si nous entendons demeurer sérieux. Surtout, ces paysans, que l’ont a tirés et hissés dans la mythologie révolutionnaire, font piètre figure, prêtent à rire (jaune): le régime a justement exterminé une bonne part du paysannat. Pour ce qui concerne les ouvriers, il est bien clair que ce groupe au sein de la population n’a quasiment rien à dire dans un régime communiste, et sûrement beaucoup moins que sous Nicolas II ou sous Lubbers et Kok aux Pays-Bas”.

Un changement qui doit surgir de l’intérieur même du pays...

Soljénitsyne n’était pas homme à se laisser jeter de la poudre aux yeux; prophète slavophile, il a progressivement appris à détester les faiblesses spirituelles et le matérialisme de l’Occident, pour comprendre, au bout de ses réflexions, que l’effondrement de l’Union Soviétique ne pouvait pas venir d’une force importée mais devait surgir de l’intérieur même du pays. La révolution, comme on le sait trop bien, dévore ses propres enfants. Le régime soviétique, lui, avec la “glasnost”, a commencé à accepter et à exhiber ses propres faiblesses, si bien que les credos marxistes ont fini par chanceler et le régime par chavirer. Déjà en 1975, la revue “Kontinent”, épaisse comme un livre, qui était un forum indépendant d’écrivains russes et est-européens, avait amorcé un débat sur l’idéologie en URSS en se référant à la “Lettre aux dirigeants de l’Union Soviétique” de Soljénitsyne, en la commentant à fond, avec des arguments de haut niveau. Un poète fidèle au régime avait même déclaré, à propos de ce débat: “Nous avons fusillé la Russie, cette paysanne au gros postérieur, pour que le ‘Messie communisme’ puisse marcher sur son cadavre et ainsi, y pénétrer”.

Pour donner un exemple du ton de Soljénitsyne, impavide et inébranlable, courageux et solide, j’aime citer une réponse claire qu’il adressa un jour à son compatriote Sakharov, une réponse qui garde toute sa validité aujourd’hui: “Nous devrions plutôt trouver une issue à tout ce capharnaüm omniprésent de termes tels impérialisme, chauvinisme intolérant, nationalisme arrogant et patriotisme timide (c’est-à-dire vouloir rendre avec amour service à son propre peuple, posture intellectuelle combinée avec des regrets sincères pour les péchés qu’il a commis; cette définition s’adresse également à Sakharov)”. Et il y a cette citation plus humaine encore: “Cette hypocrisie ne suffit-elle pas? Comme un électrode rouge, elle a laminé nos âmes pendant cinquante-cinq ans...”.

Les meilleurs livres de Soljénitsyne sont sans doute ceux qui sont le moins connus: je pense surtout à “Lénine à Zurich” (1975) et “Les erreurs de l’Occident” (1980). Quoi qu’il en soit, cet homme a surtout eu le grand mérite d’avoir, à temps et sans cesse, ouvert nos yeux, à nous ressortissants du riche Occident, alors qu’ils étaient aveuglés ou trompés; de nous avoir apporté son témoignage sur son époque et sa patrie (l’Orient ou la “Petite Mère Russie”) dans ses livres tout ruisselants d’authenticité; de nous avoir ainsi libérés des griffes du communisme, idéologie catastrophique et inhumaine.

Il a pu être enterré solennellement dans le sol de sa patrie russe et non pas en Suisse ou en cette lointaine Amérique, ses terres d’exil. Personne ne l’aurait cru, n’aurait osé le prévoir, il y a vingt ou trente ans.

“De brave Hendrik”,

(article paru dans “ ’t Pallieterke”, Anvers, 13  août 2008, trad. franç. : Robert Steuckers).

Note:

(1) paru à Amsterdam chez van Oorschot, cinquième édition revue et corrigée, 1990.

mercredi, 20 août 2008

Refuser le mensonge: hommage à A. Soljénitsyne

N1GE03A_20080804_apx_470__w_ouestfrance_.jpg

J.K.: ’t Pallieterke :

Refuser le mensonge: hommage à Soljénitsyne

“C’est justement ici que se trouve la clef, celle que nous négligeons le plus, la clef la plus simple, la plus accessible pour accéder à notre libération: ne pas participer nous-mêmes au mensonge! Le mensonge peut avoir tout recouvert, peut régner sur tout, ce sera au plus petit niveau que nous résisterons: qu’ils règnent et dominent, mais sans ma collaboration!”.

Ces phrases sont tirées d’un essai de Soljénitsyne, intitulé “Ne vis pas avec le mensonge!”. Elles caractérisent parfaitement l’écrivain russe, décédé début août 2008. Il avait été le plus célèbre des dissidents et Prix Nobel de littérature. Il n’a pas participé au mensonge, effectivement, ce qui lui permit de donner une impulsion à la résistance contre le régime soviétique, impulsion qui, à terme, a conduit à l’effondrement de l’Etat totalitaire alors que, jadis, il avait semblé si invincible. 

“Ce fut Alexandre Soljénitsyne qui ouvrit les yeux du monde sur la réalité du système soviétique. C’est pourquoi, son vécu a une dimension universelle”, a déclaré le président français Sarközy après avoir appris la mort de l’écrivain. Les réactions officielles post mortem n’ont généralement rien de bien substantiel. Quoi qu’il en soit, en France, le pays de Sarközy, l’oeuvre littéraire de Soljénitsyne avait provoqué un gigantesque retournement des esprits. Gramsci, marxiste italien, savait que toute société est dirigée par ceux qui influencent la pensée. En France, dans le sillage de mai 68, fourmillaient les “compagnons de route”, souvent des intellectuels bien intentionnés, qui voyaient dans l’Etat soviétique la réalisation du paradis sur la Terre. La publication de “L’Archipel Goulag”, oeuvre littéraire monumentale où Soljénitsyne règle ses comptes avec le régime de terreur communiste, ouvre les yeux à de nombreux intellectuels français. C’est le début de la fin pour le communisme, en France et en dehors des frontières de l’Hexagone. Plus que n’importe quel autre écrivain, Soljénitsyne dévoila la vérité quant à l’oppression subie par son peuple sous la dictature communiste. Parce qu’il ne voulait pas participer au mensonge.

Qui connait encore Soljénitsyne?

La biographie de Soljénitsyne a été révélée dans ses grandes lignes dans notre presse flamande. Soldat de l’Armée Rouge, il est fait prisonnier par sa propre hiérarchie et déporté en Sibérie parce qu’il avait émis des critiques contre Staline dans une lettre à un ami; il fut condamné à huit années de camp de travail et ensuite à cinq années de bannissement intérieur. Auteur d’ouvrages critiques à l’endroit du régime, il oeuvre dans un premier temps avec l’accord de Khrouchtchev, leader du parti, qui espère tirer un profit personnel en autorisant certaines critiques contre Staline. Plus tard, contre l’avis des autorités soviétiques, Soljénitsyne obtint le Prix Nobel de littérature; il n’ira pas lui-même le chercher de crainte de ne pouvoir rentrer en Russie; il sera malgré tout banni du pays après la publication en Occident de “L’Archipel Goulag”. Pendant des années, il vivra reclus aux Etats-Unis, dans une propriété enneigée et plantée de pins dont les allures lui rappellaient la Russie. Réhabilité après la chute du communisme, il revient en Russie en 1994, où il se posera, une fois de plus, comme un critique non conformiste, hostile aux pouvoirs établis.

La presse flamande n’a pas raconté beaucoup d’autres choses à la suite de son décès. “La Libre Belgique” en a fait son grand titre, exactement comme “Le Monde” à Paris et d’autres quotidiens de qualité ailleurs en Europe. Chez nous, seulement de brefs articulets, quelques analyses toutes de platitude dans les pages intérieures des journaux. Rik van Cauwelaert fit exception dans les colonnes de l’hebdomadaire “Knack”, où un éditorial bien ficelé fut entièrement consacré à Soljénitsyne.

D’où question: nos journalistes ne connaissent-ils plus Soljénitsyne? L’ont-ils jamais lu? Ou bien, l’appellation de “fossoyeur du régime soviétique”, dont on l’a si souvent gratifié, les effraie-t-elle? La Flandre a démontré, la semaine dernière, sa petitesse.

Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi dans nos régions. “Le premier cercle” contenait, en page 202 de son édition néerlandaise, un phrase caractéristique: “Il y a toujours eu l'une de ces idées pour fermer la bouche à ceux qui voulaient crier la vérité ou monter sur la brèche pour la justice”. “Le pavillon des cancéreux”, “Lénine à Zurich”, “La Russie sous l’avalanche”, “La fille d’amour et l’innocent”, “Flamme au vent”, “Pour le bien de la cause”, “Août 1914”, “Une journée dans la vie d’Ivan Denissovitch”, “L’Archipel Goulag”, “Le chêne et le veau”, “Lettre ouverte aux dirigeants de l’Union Soviétique”, “Discours américains”, etc., tous furent rapidement traduits en néerlandais et connurent de réels succès éditoriaux. Les éditions successives se bousculaient à un rythme constant.

Aujourd’hui, on ne peut plus acheter neuf qu’”Une journée dans la vie d’Ivan Denissovitch” en librairie.  Même “L’Archipel Goulag” est épuisé.

Le mensonge en lui-même

Partout dans le monde, l’intérêt pour l’auteur et ses idées s’est rapidement estompé après son bannissement à l’Ouest. Pour les clans de la gauche, Soljénitsyne resta suspect, alors que, pourtant, l’Amérique libérale, à son tour, était devenue la cible de ses critiques. La prise du pouvoir par les communistes, il l’a toujours considérée comme une “importation occidentale” (Marx était allemand) qui, par voie de conséquence, s’opposait diamétralement aux ressorts de l’âme russe. Le capitalisme était pour lui une horreur. Mais après la chute du communisme, il ne ménagea pas ses critiques à l’encontre de Gorbatchev et surtout d’Eltsine, qui, selon lui, vendaient le pays aux plus offrants et le transformaient en un marécage sordide où dominait une culture glauque, décadente, sans contenu réel.

En 1999, Soljénitsyne écrit “L’effondrement de la Russie”, une synthèse de toutes les idées qui ont émaillé son oeuvre. Il règle ses comptes avec l’idéologie de la privatisation et déplore le déclin du patriotisme. La nouvelle norme est hélas devenue la suivante, elle se résume en une question: “Qu’est-ce que cela rapporte?”. Pour Soljénitsyne, le patriotisme est un sentiment organique, “la conviction que l’Etat vous protège dans les moments difficiles”. La patrie jouait un grand rôle pour Soljénitsyne. Mais Dieu aussi. Et Dieu disparaît également, ou alors on n’écrit plus son nom qu’avec un “d” minuscule.

La ligne de démarcation

Il est clair que Soljénitsyne ne visait pas le succès auprès des détenteurs du pouvoir. Mais les intellectuels contemporains, ceux qui se targuent d’être dans le vent, n’aiment pas  davantage ce conservateur fondamental, avec sa tête et son visage comme taillés dans du bois de chêne. “Il est dépassé”: tel est sans doute le commentaire le plus courant et le plus aimable qu’on a entendu à son propos. La plupart le rejetait en ne tenant compte que de la caricature que l’on avait faite de lui.

Il a survécu à l’Union Soviétique mais est revenu dans une Russie où toutes les non valeurs, comme la corruption, le matérialisme, la superficialité et la décadence étaient omniprésents.

Dans une recension remarquable, aux arguments solides comme l’acier, Hubert Smeets, dans les colonnes du “NRC-Handelsblad” (15 janvier 1999), évoque Wayne Allensworth qui était, dans les années Clinton, analyste auprès du “Foreign Broadcast Information Service”, une officine gouvernementale américaine qui suit la presse non anglophone du monde entier. Wayne Allensworth y défendait Soljénitsyne contre tous les critiques américains et étrangers. Selon Allensworth, en effet, Soljénitsyne était logique avec lui-même, suivait toujours sa même piste: la lutte contre LE mensonge, “contre la croyance en la possibilité qu’aurait l’homme de transformer sa propre nature, de manipuler l’univers et de créer un paradis sur la Terre”. C’est dans ce grand mensonge-là que se retrouvent, tous ensemble, les communistes, les capitalistes, les révolutionnaires et les libéraux.

“Ce que les Occidentaux, convaincus de la supériorité du capitalisme, devraient comprendre, c’est que Soljénitsyne ne perçoit pas les racines de la misère économique et écologique de la Russie dans le socialisme en soi, mais dans le manque d’humilité de l’humanité moderne”.

Pour Allensworth, on ne peut dès lors pas considérer Soljénitsyne comme un slavophile, simple héritier et imitateur des slavophiles russes du 19ème siècle, ni comme un idéologue “Blut-und-Boden” (à la mode allemande) mais comme un personnaliste contemporain, se situant dans la tradition d’Edmund Burke, James Burnham ou Christopher Lash.

Concluons en citant Soljénitsyne lui-même: “La ligne de démarcation entre le bien et le mal ne passe pas entre les Etats, les classes ou les partis, mais à l’intérieur même de chaque coeur d’homme”. Le coeur de Soljénitsyne, lui, s’est arrêté de battre à 89 ans.

J. K.

(article paru dans “’t Pallieterke”, Anvers, 13 août 2008; trad. franç.: Robert Steuckers).